Sommaire
Petite bibliothèque
Les origines du village L'abécédaire d'Épehy Le village
Les champs Instantanés
À propos de... Au fil des ans...
Galerie de Portraits
1914-2014, le centenaire
La Reconstruction
Courrier des Lecteurs Recherche
Lettre d'information
Annuaire de liens
Visites
visiteurs visiteurs en ligne
visiteurs Le 23/12/2022 à 09h55 |
Les origines du village - Annexe 1
ANNEXE 1 :
Préambule L'abbé Decagny mentionne l'existence de ce testament dans son ouvrage et en cite quelques passages (pp. 32-33). Le site internet des Sohier (http://sohier.free.fr) en présente, parmi d'autres documents, le texte latin fourni par Arnaud Godet, qu'un ami latiniste, Joseph Laure, a bien voulu me traduire. J'ai alors signalé au responsable du site, Vincent Sohier, que cette version du testament était manifestement incomplète, si on la comparait aux indications données par Decagny. Entre temps, je me suis rendu compte que ce testament figurait, apparemment dans son intégralité, dans l'ouvrage présenté par le même site et intitulé : "La véritable origine de la très ancienne et très illustre Maison des Sohier", daté de 1661 et dont l'auteur signe sous les initiales J.C.D.D. De plus ce texte avait été traduit, à une date non précisée, par Jean-Luc Sohier qui a intercalé sa traduction entre les pages du document (pp. 56a et 57 a). On trouvera donc successivement dans cette Annexe :
Note : Vincent Sohier a récemment ajouté au site des Sohier les documents et commentaires que je lui ai envoyés. Texte latin du Testament de Sohier inclus dans l'ouvrage de J.C.D.D. (1661) (j'ai respecté la graphie utilisée dans ce texte : capitales, italiques, parenthèses, abréviations...) In nomine Sante & individue Trinitatis. Amen. Différences avec le texte de J.C.D.D. et celui transmis par Arnaud Godet En bleu : passages ou mots absents dans le texte transmis par Arnaud Godet (j'ai respecté la graphie du texte de J.C.D.D.: capitales, italiques, parenthèses, abréviations...) In nomine Sante & individue Trinitatis. Amen. Proposition de traduction du testament de Sohier le Roux Proposition élaborée à partir des traductions de Jean-Luc Sohier (plus littéraire) et de Joseph Laure (plus littérale). "Au nom de la Sainte et indivise Trinité. Amen. Moi Sohier, dit le Roux (Rufus) de Vermandois, Châtelain d'Épehy, pour toujours, tant l'avenir que le présent. Trad. André Franqueville. 2007. Discussion des questions soulevées par le testament de Sohier le Roux de Vermandois 1/ La forme La présentation du texte (peut-être d'Arnaud Godet) nous apprend que ce document est déposé à la bibliothèque de Soissons et que Sohier le Roux est seigneur de Serain en 1080. Pourtant le testament ne contient aucune indication en ce sens, sinon qu'il possède des terres en ce lieu, la seule châtellenie évoquée étant celle d'Épehy. D'autre part, il est surprenant que ce texte, en dépit de son importance, ait été apparemment transcrit avec une certaine désinvolture dans sa "version Godet": mots changés, passages non repris. Si certaines différences entre les deux textes sont anodines, notamment quand elle portent sur un mot, par contre les omissions relevées posent question quand elles concernent des phrases entières. Les passages manquant concernent notamment le don aux Frères de la Sainte-Croix, les dons de sommes d'argent à l'église de Péronne, à l'église et aux pauvres d'Épehy, et encore quelques autres dons et héritiers (Ada, épouse d'Almaric, Ada, épouse de Walter) et, lacune plus gênante encore pour un testament officiel, l'absence de toute mention de témoins. On observe également une curieuse dissymétrie dans la composition de ce testament. L'auteur prend un soin extrême à préciser la provenance des bijoux et objets qu'il lègue, occasion de donner la liste de ses aïeux autant que celle de ses descendants, tandis qu'aucune justification d'origine n'est apportée concernant les biens immobiliers, château, terres et propriétés diverses, dont on peut cependant penser que l'intérêt et la valeur économique devaient être, pour le moins, aussi considérables. Enfin il serait intéressant que soit menée une tude précise du vocabulaire de ce testament, notamment que soit vérifié par un spécialiste si le latin utilisé est réellement celui du XIe siècle et cela pour l'ensemble du texte. En ce sens, par exemple, l'expression "Ida de Cambraio", pour Ida de Cambrai (d'ailleurs supprimée dans la "version Godet"), est très vraisemblablement un néologisme, Cambrai étant alors dénommé Cameracum comme indiqué dans le reste du document. 2/ Le fond Assez convaincant quand on se contente de le considérer en lui-même, ce testament soulève de sérieuses difficultés dès que l'on cherche à le confronter aux chronologies des dynasties des comtes de Vermandois et des Sohier. - Des problèmes de chronologie : Si l'on admet, en effet, que Sohier le Roux a réellement vécu, comme indiqué sur le site familial, entre 1025 et 1097, l'ensemble du texte semble assez cohérent, avec cependant cette restriction qu'une telle longévité (72 ans) paraît assez peu crédible pour l'époque (l'espérance de vie commune à l'époque et dans ce milieu se situait vers les 50 ans). Il aurait rédigé son testament à l'âge de 55 ans et, selon ce testament, son épouse était alors déjà décédée. Par contre, toujours selon le site Sohier, les parents de Sohier le Roux (Eudes l'insensé et Avida) sont décédés en 1085 alors que le testament, daté de 1080, les présente comme déjà décédés. Plus gênant, ses deux enfants Almaric et Hugues sont réputés nés en 1040, ce qui est est difficilement admissible puisque Sohier n'avait alors que 15 ans. Supposons donc qu'ils sont plutôt nés vers 1045-1050. Ils ont eux-mêmes des enfants présentés dans le testament : un seul pour Almaric (Baudoin), et, selon Le Carpentier, sept pour Hugues (Walter – ou Gauthier - et Théobald – ou Thibaud – cités dans le testament étant les aînés)1 qui peuvent donc être nés vers 1065-1070 et avoir tout au plus 10 à 15 ans en 1080. Mais que l'un d'eux, Théobald, ait alors déjà épousé Ida de Cambrai à qui Sohier donne des bracelets, paraît extrêmement douteux. - Autres questions : - Comment Hugues Capet, roi jusqu'en 996, peut-il avoir fait don d'un collier à Othon Ier (bisaïeul de Sohier), puisque ce dernier est né en l'an 1000... à moins de considérer qu'Othon soit né en 979 (cf. site Sohier), mais son frère aîné Albert II, auquel il succède, est lui-même né en 985... - Pierre de Vermandois, que Sohier appelle son parrain, est le frère puîné du grand-père de Sohier, Herbert IV, lui-même né en 1032. Pierre est donc né après 1032 (sans doute après 1036, dans la mesure où un autre frère, Eudes Ier Pied de Loup, est né en 1034), et avant 1045, date de la mort de leur père Othon. Il ne peut donc avoir été parrain de Sohier si celui-ci est né en 1025. En résumé, si l'on se limite à l'examen de la descendance de Sohier et si l'on veut bien admettre que les incohérences citées sont d'importance minime, l'ensemble du testament peut paraître recevable. Par contre, si l'on tente de situer ce testament dans la généalogie des comtes de Vermandois, de sérieuses difficultés de chronologie apparaissent. - De sérieuses difficultés : L'année du mariage du comte Herbert IV est 1060, et celle de la naissance de sa fille Adelaïde ou Alix est 1062. Ces deux dates étant connues et sûres, le fils aîné d'Herbert, Eudes dit l'insensé, doit donc être né au plus tôt vers 1060-1061 (1060 selon le site Sohier). Le fils d'Eudes l'insensé, Sohier le Roux, ne pourrait alors être né, au plus tôt, que vers 1080, ce qui invalide la date de son testament de même que les dates habituellement retenues pour sa naissance et sa mort (1025 et 1097) et ne concorde plus avec les dates admises pour ses enfants et petits-enfants. Cette constatation selon laquelle Sohier le Roux, s'il est fils de Eudes, ne peut être né avant 1080 étant faite (ce qui reporterait la rédaction du testament vers 1130, compte tenu d'une probable espérance de vie de 50 ans), quelques autres conséquences en découlent concernant des personnages cités dans le testament. - Philippe Ier est roi de 1060 à 1108. Selon le testament, il a attribué à Sohier l'Ordre de Étoile en 1070 selon Le Carpentier, ce qui n'est pas possible. - Par contre, Pierre de Vermandois pourrait effectivement être le parrain de Sohier si celui-ci est né après 1080, et non pas en 1025. - Le testament mentionne que les parents de Sohier, Eudes et Adelvia, sont inhumés en l'église de Saint-Quentin, la mort de Eudes étant présentée comme toute récente. Or le site Sohier donne l'année 1085 pour leur décès, ce qui plaiderait pour un testament postérieur à cette date, mais avec les impossibilités énoncées ci-dessus. - Les problèmes de fond : Cette énumération, très répétitive, de legs, quelquefois sans grande valeur, apparaît nettement comme une façon de pouvoir mettre en scène non seulement les héritiers mais aussi et surtout tous les ascendants supposés de Sohier et de prouver ainsi la noblesse de sa généalogie. La graphie utilisée (italiques) pour faire ressortir les liens de parenté vient encore renforcer cette mise en scène. Les héritiers et les legs ne sont énumérés comme à plaisir, que dans la mesure où ils permettent de nommer les ascendants. Par contre, on peut penser que les mentions de biens fonciers légués aux héritiers soient réellement des parties originelles du testament, gardées parce que supposées révéler la richesse et la puissance du seigneur, bien que, hormis les propriétés de Fervakum, elles apportent peu à la thèse défendue. De même l'analyse des omissions relevées dans la "version Godet" vient renforcer cette impression d'une thèse à défendre. Les passages non repris semblent bien être ceux qui, après examen, ne pouvaient servir à prouver l'origine carolingienne de Sohier (dons à Kesteniers, Péronne, Épehy), ou même étaient susceptibles d'introduire un doute, de révéler une possible invraisemblance (les deux Ada de Cambrai) ou même une authenticité discutable. Ainsi la suppression des témoins pourrait s'expliquer par le fait qu'ils sont presque tous dits parents de Sohier, ce qui tendrait à invalider le testament, même si les principaux personnages nommés ont bien vécu à la date présumée du testament (1080). Que la signature du testament ait été officialisée à Cambrai (rapporté par les deux versions du testament), et non pas à Saint-Quentin ou dans une autre ville du comté du Vermandois, est assez étrange s'il s'agissait réellement d'un seigneur proche parent et suzerain des comtes du Vermandois. Il est peu vraisemblable que le comte Hugues, frère du roi, ait fait un tel déplacement pour être témoin du petit seigneur d'Épehy, alors que les relations entre les deux comtés étaient alors plutôt celles d'une compétition belliqueuse pour l'extension de leurs domaines respectifs. Pour la même raison est peu crédible la caution apportée à ce testament par le comte-évêque de Cambrai (en l'occurrence Gérard II), alors que ce seigneur relevait normalement de l'évêché de Noyon. Quant au témoignage apporté par les deux chambriers (ou chambellans) de l'évêque, la chose peut paraître surprenante compte-tenu du contexte social de l'époque, celui d'une société très inégalitaire et strictement hiérarchisée, mais on peut la rapporter à une évolution constatée, selon G. Duby (1987, p.201), même pour les actes royaux de l'époque : la montée du pouvoir des "officiers" (chancelier, sénéchal, chambrier...) face à celui de la parenté et des nobles. Ici les uns et les autres sont nommés, ce qui ne confirme ni n'infirme l'authenticité du document. 3/ Vers une nouvelle approche Les problèmes posés par ce testament tel qu'il nous a été transmis, ne sont donc pas anodins. Pour tenter de les résoudre, plusieurs pistes sont envisageables, mais on ne voit pas comment celle selon laquelle Sohier est un fils de Eudes l'insensé pourrait être retenue. Quelques propositions pour une nouvelle approche : - On peut considérer que les dates de naissance et de décès retenues pour Sohier le Roux (1025-1097) ne sont pas les bonnes. En effet, la donation des terres de Fervacques à l'église de Saint-Quentin et celle des terres de Saudemont à son deuxième fils Hugues, toutes deux mentionnées parmi les dernières volontés de Sohier, apparaissent dans d'autres documents comme effectivement réalisées autour de 1060, ce qui autoriserait à retenir cette date comme celle de sa mort2. Une indication en ce sens semble donnée, à l'insu de son auteur, dans une "Étude faite en 1934 par Georges Deviolaine sur les origines de la Famille Sohier" (http://sohier.free.fr/deviolaine.htm - point XXII) qui, tout en reprenant la thèse de J.C.D.D., signale incidemment que l'année 1080 est celle de la charte renfermant ce testament ("Ainsi le constate la charte de l'an 1080 qui renferme son testament..."). On peut dès lors supposer que le testament lui-même soit antérieur à cette date, mais ait été ensuite intégré (par qui et quand ?) à cette charte elle-même écrite en 1080. Il aurait pu alors être remanié et complété dans le sens indiqué ci-dessus. - Si l'on retient donc que la date de la mort de Sohier doit se situer vers 1060, et qu'il ait vécu une cinquantaine d'années, sa naissance se placerait alors vers 1010 (ce qui en ferait contemporain de Othon Ier), et ses enfants seraient nés vers et après 1030-1035, ses premiers petits-enfants vers 1050-1055, ce qui rend ainsi plus vraisemblable que, par un testament écrit vers 1060, il accorde à ces derniers une part de son héritage. Que l'un d'eux, Théobald, soit alors déjà marié avec Ida reste cependant peu plausible. - En fonction de cette hypothèse, on peut considérer que l'apparentement éventuel de Sohier le Roux aux comtes de Vermandois devrait être recherché dans les générations nettement plus en amont que celle de Eudes l'insensé. Ou bien, au contraire, il faut considérer que l'ascendance de Sohier le Roux donnée par l'auteur J.C.D.D. (1661) et par Le Carpentier (1664), malheureusement sans dates précises, et reprise par Decagny et le site Sohier, n'est pas la bonne. Il existe à mon, avis, dans la forme comme dans le fond de ce testament, suffisamment d'indices pour autoriser à penser que le contenu en a été remanié et augmenté, pour ne pas dire bricolé, cela dans une intention précise, celle de prouver que la Maison Sohier est d'origine noble, membre de la famille des Comtes de Vermandois (et, au-delà, se rattache aux Carolingiens) et qu'elle a donc été écartée injustement par le roi de ses droits sur ce Comté. C'est là, explicitement, le propos de l'auteur J.C.D.D., de même que celui de son contemporain Le Carpentier qui s'en est inspiré directement. En conclusion de cette série d'observations, mon sentiment est que Sohier le Roux serait plutôt simplement un seigneur local, sans doute puissant, mais sans lien de parenté avec les comtes de Vermandois et relevant plutôt du comte-évêque de Cambrai (d'où le lieu de la signature), même s'il reste connu par le même surnom que Pierre, l'un des membres de cette famille. Cette dénomination commune aux deux personnages aurait alors été fort intelligemment utilisée par des généalogistes pour étayer la thèse de l'usurpation dont la famille Sohier aurait été victime, et surtout celle de ses racines carolingiennes, de façon à plaider en faveur de l'anoblissement du baron et "très illustre seigneur Constantin Sohier". Une conclusion certes provisoire, et qui appelle d'autres recherches... Notes : Date de création : 30/07/2009 @ 21h48 Réactions à cet article
|