19 - Les conscrits d'Épehy
Au temps où le service militaire était encore obligatoire, à l'âge de 18 ans le Conseil de Révision était pour tous les jeunes hommes une sorte d'examen de passage pour la vie adulte : être déclaré "bon pour le service armé" procurait une certaine fierté aux conscrits, dans la mesure où être inapte au service militaire donnait à penser que l'on n'était pas tout à fait un homme...
Rappelons que la conscription fut suspendue en 1997 et le "service" aboli en 2001.
Ce Conseil de Révision était un examen médical sommaire et collectif par des médecins militaires et en présence d'un élu du village (cela avait lieu au chef-lieu de canton, dans une salle de la Mairie de Roisel), et ce jour-là était traditionnellement jour de fête pour les conscrits. C'était aussi l'occasion de dire sa préférence pour telle ou telle arme : infanterie, marine, parachutistes..., préférence qui, par la suite, n'était pas nécessairement retenue. L'après-midi se passait à faire à pieds le tour des bistrots du village, la cocarde tricolore fièrement arborée au col de la veste, chaque cabaretier se devant de payer la tournée aux conscrits... et le soir était organisé un joyeux repas au restaurant.
Sans que cela ait été réellement systématique, la photo des conscrits faisait souvent partie du programme du jour. Nous en présentons deux, sachant qu'il en existe probablement bien d'autres : les conscrits de la classe 1949 (Fig.1) et ceux de la classe 1964 (Fig.2).

Fig.1. Les conscrits de la classe 1949 (Coll. R. Bulan).
Photo prise derrière la mairie de Roisel.
On peut y reconnaître, de gauche à droite :
- Rang du haut : Pierre Hugo, René Monnier, Jean Capart, Guy Marquant, Jean Rouvier, Robert Bulan, Serge Lempereur, Smineski,
- Rang du milieu : André Pertriaux, Gilbert Lourme, Roger Mafille, André Héluin, Maurice Prévot, Philippe Durieux,
- Rang du bas : Édouard Vasseur, Jean Dumez, René Loiseaux, André Cocrelle (adulte), (un inconnu), Raymond Dubois.

Fig.2. Les conscrits de la classe 1964 (Archives familiales Boitel).
Photo prise Place de l'Église de Roisel.
On reconnaît ici :
- Rang du haut : Régis Carlier, Maurice Richard, le garde-champêtre Alphonse Lepreux qui les accompagnait, Joël David, Michel Herlemont, Guy Widra,
- Rang du milieu : Michel Delaporte, Guy Danquigny, Loyer,
- Rang du bas : Michel Lempereur, Jean George, Alain Boitel.
Première observation : les conscrits de la classe 1949 étaient 20, ceux de la classe 1964 seulement 11. Cette différence révèle bien, constatée au niveau très local de notre village, l'évolution de la démographie française durant la première moitié du XX° siècle : un taux de naissances encore relativement haut dans les années 1920-1935 (mais très inférieur à celui du début du siècle), et une chute de ce taux un peu avant et pendant les années de guerre, entre 1938 et 1945. Suivront, peu après, les années du fameux "baby boom", de 1946 à 1974, celles du rattrapage démographique.
Deuxième observation : la tenue vestimentaire des conscrits. Ceux de la classe 1949 donnent vraiment l'impression d'avoir participé à une cérémonie très officielle ; visage sérieux, presque tous portent le complet-veston et la cravate, et se sont souvent bardés de décorations que l'on pourrait penser authentiques... Avec les conscrits de la classe 1964, l'ambiance est beaucoup plus décontractée ; la plupart sont souriants, et même si l'on voit encore çà et là quelques cravates et cocardes tricolores, à l'évidence l'aspect ludique de l'évènement l'emporte nettement sur son caractère sérieux.
Faut-il y voir la marque, dans l'esprit des conscrits, d'une autre conception du service militaire ?