Sommaire

Fermer Petite bibliothèque

Fermer Les origines du village


L'abécédaire d'Épehy

Fermer Le village

Fermer Les champs

Fermer Instantanés

Fermer À propos de...

Fermer Au fil des ans...

Fermer Galerie de Portraits

Fermer 1914-2014, le centenaire

Fermer La Reconstruction

Fermer Courrier des Lecteurs

Recherche



Lettre d'information
Pour avoir des nouvelles de ce site, inscrivez-vous à notre Newsletter.
S'abonner
Se désabonner
Captcha
Recopier le code :
27 Abonnés
Annuaire de liens
Visites

   visiteurs

   visiteurs en ligne

Record de visites

   visiteurs

Le 23/12/2022 à 09h55

Les champs - C comme Chevaux

C comme Chevaux : "La Vallée aux Chevaux"

 

De part et d'autre de la limite des territoires d'Honnecourt, Villers-Guislain et Épehy, il est un lieu-dit nommé "La Vallée aux Chevaux". Pourquoi cette appellation ?

Les agriculteurs racontent que parfois, quand ils labourent plus profond qu'à l'habitude, des os de chevaux apparaissent1. Ce fait confirme ce qu'écrit Arnaud Gabet dans ses ouvrages sur Honnecourt (1995) et sur Villers-Guislain (2006) : plusieurs lieux-dits situés aux alentours de cette limite sont des traces de la bataille qui, le 26 mai 1642, opposa Espagnols et Français, et vit la défaite de ces derniers2.

L'essentiel de l'affrontement s'est produit au lieu-dit "Les Tranchées" sur le territoire d'Honnecourt, à l'ouest de l'Escaut, un retranchement qui, malgré les apparences, ne doit donc rien à la première guerre mondiale. Les conditions et le déroulement de cette bataille sont bien connus (voir A. Gabet, Histoire d'Honnecourt, 1995). L'armée espagnole, commandée par Francisco de Mello, comptait environ 27 000 hommes et 22 canons, l'armée française, commandée par le comte de Guiche, seulement 10 000 hommes. La bataille s'engagea vers deux heures de l'après-midi et dura 4 heures. Cédant sous le nombre, l'armée française se replia vers l'abbaye, puis vers Saint-Quentin. Elle perdit au total 3 500 hommes (1 500 tués et 2 000 prisonniers), presque toute son artillerie, et 100 000 écus destinés à payer les soldats ainsi que l'étendard du roi de France. Malgré cette défaite qui lui valut nombre de quolibets, le maréchal comte de Guiche fut nommé duc de Gramont en 1643 et Richelieu lui garda sa confiance au point de le faire ministre en 16583.

Le site de la bataille d'Honnecourt (26 mai 1642) et ses lieux-dits
Fig.1. Le site de la bataille d'Honnecourt (26 mai 1642) et ses lieux-dits
(IGN, 1/25 000e, Péronne 3-4)

Or on constate que plusieurs autres lieux-dits de cette zone rappellent, sans que nous y prenions garde, la mémoire de cette bataille (Fig. 1).

Ainsi, dominant la "Vallée aux Chevaux", le "Champ des Pavillons" désigne l'endroit où se trouvaient les tentes de l'armée tandis que, un peu plus à l'ouest, "La Demi-Lune" est la dénomination technique d'un ouvrage fortifié en forme de demi-cercle, situé sur la colline qui en a gardé le nom. Difficile de savoir laquelle des deux armées avait établi ce campement et cette fortification... On retrouve ces "demi-lunes" dans le système des fortifications érigées par Vauban.

Un peu plus loin vers l'ouest, une autre colline (point coté 141 mètres, point culminant local) porte aussi un nom de fortification : "La Bonnette", ici orthographié "Bonette". Une bonnette est en effet, selon Le Larousse, un "petit ouvrage avancé" et, plus précisément, selon Wikipédia, "un type de bastion sommaire de deux faces en forme de "V", avec parapet et palissade au devant, construit lors d'un siège. La bonnette est un ouvrage très bas, construit à l'extrémité des angles saillants et rentrants d'un glacis dont elle défend les approches...".

Un autre ouvrage militaire donc, mais a t-il également un lien avec la bataille d'Honnecourt ? Ce n'est pas sûr, car on trouve bien d'autres "Bonnettes" ailleurs en France et même dans la région : ainsi dans l'Aisne, sur les terroirs de Bony et de Bohain et encore à Séraucourt-le-Grand, au sud-ouest de Saint-Quentin, qui ne furent apparemment pas des lieux de cet affrontement. Il me semble donc que l'appellation de cette colline, ainsi que les deux autres citées, doive plutôt être mise en relation avec la position de frontière qui fut celle de ces villages pendant des siècles : de loin en loin ont pu être construites, au sommet des collines les plus hautes, de telles fortifications même sommaires.

Enfin, et contrairement aux apparences, il ne semble pas que "La Vallée aux Chiens", curieux pendant de "La Vallée aux Chevaux", puisse relever de la même explication. On sait, certes, que les armées de l'époque utilisaient des chiens de combat, souvent du genre molosse, spécialement dressés pour la guerre, mais les dénominations de ce type sont assez fréquentes en France et ne signalent pas nécessairement une bataille : parfois indiqués comme "La Fosse aux Chiens", on peut, dans notre région, les repérer à Vendhuile (ou existe également une "Fosse à Chevaux"), à Driencourt (80), Urvillers (02), Homblières (02)4. Ajoutons qu'Arnaud Gabet propose une autre explication possible selon laquelle "La vallée aux Chiens rappellerait peut-être aussi un lieu où l'on se serait battu «comme des chiens». Rien n'est moins sûr, mais c'est tout à fait possible", écrit-il5.

Fosse ou Vallée, on peut penser que ces deux toponymes d'Épehy et de Vendhuile concernant les chevaux constituent bien des traces de la même bataille, car des boulets et autres vestiges ont été découverts vers Ossu et le comte de Guiche, battant retraite vers Saint-Quentin, passa par ce chemin d'Ossu et donc par le village de Vendhuile.

Enfin deux autres lieux-dits sur le territoire d'Honnecourt ont aussi très probablement pour origine le même épisode guerrier : "La Targueule", dont A. Gabet pense qu'il s'agirait d'une déformation de l'expression "taille gueule" (appellation péjorative de la bataille), le "Bois Gramont", et peut-être aussi "La Renfourque" qui pourrait être le lieu où l'on "re-enfourche" le cheval, ce que firent les Français pour s'enfuir...6

Ainsi, sans que nous en ayons bien conscience, nos terroirs d'aujourd'hui portent t-ils toujours les marques d'une histoire : il peut s'agir de "petites histoires" locales souvent oubliées, mais parfois aussi de la grande histoire qui, avec son lot de défaites et de victoires, a façonné notre pays.

Notes :
1 Information reçue de mon oncle Georges Franqueville qui fut agriculteur et possédait un champ sur le lieu.
2 "Il y a sur la frontière, écrit ainsi Pierre Duval en 1663, le Cattelet, forteresse, et Honnecourt où, l'an 1642, notre armée fut maltraittée par celle d'Espagne..." ("Description de la France et de ses provinces où il est traitté de leurs noms...").
3 "...mais il avait épousé une parente du cardinal", observe Tallemant des Réaux, un historiographe de l'époque.
4 Le problème de ces lieux-dits sera repris dans un autre article sur le terroir d'Épehy
5 Communication personnelle.
6 Mais A. Gabet voit dans "Renfourque" un ancien mot français signifiant "bifurcation" (Histoire d'Honnecourt, p. 11).


Date de création : 31/07/2009 @ 21h44
Dernière modification : 04/08/2009 @ 20h10
Catégorie : Les champs
Page lue 1993 fois


Imprimer l'article Imprimer l'article

Réactions à cet article


Réaction n°1 

par isebe le 26/09/2009 @ 14h55

Comme d habitude tres bien documente et tres interessant. Originaire moi-meme d EPEHY,je suis en train dans la mesure de mes moyens d essayer de collecter notamment aupres de m. et mme Delaire et votre "colistier"(que je vais essayer de contacter)m.Saunier le maximum de photos d ecole (j en ai deja eu quelques unes de m.Moral,longtemps instituteur du village. la plus ancienne connue serait de 1913 avec comme instituteur m.Tholome succedant a un m.Matte.trop laxiste aux yeux des enfants(on croit rever par rapport a notre epoque!).  Amicalement. Jean-Michel ISEBE;

Haut