43 – La morale à l'école, et autres souvenirs d'anciens
Au menu de cet Instantané, des anciens évoquent quelques-uns de leurs souvenirs de l'école communale et de ses instituteurs entre les deux guerres.
N'hésitez pas à nous envoyer aussi les vôtres !
Claude Saunier : M. Sibilotte
La morale à l'école
Lieu : L'école des garçons d'Épehy
Époque : 1932
Personnages : Gérard Saunier (10 ans), Claude Saunier (5 ans) et M. Sibilotte, Directeur de l'école.
L'action démarre de la maison Saunier sise à 60 mètres de l'église d'Épehy.

Fig.1. L'église d'Épehy, 2004 (Photo D. Masson).
Quelques changements depuis : éclairage, parking...
Ce jour-là (non précisé), retard au lever : la maman sans doute malade ? Nos deux écoliers, en tablier noir, après un petit-déjeuner ultra rapide, partent au pas de gymnastique vers l'école, à 400 mètres de là.

Fig.2. Les écoliers en tablier noir : Claude et Gérard (la tête!), 1932
(Coll. Familiale).
Tout le monde est déjà rentré en classe et attelé au premier devoir.
Côté garçons, les trois classes (Préparatoire : Mlle Marie-Louise Békaert, Élémentaire : M. Henri Vasseur, Cours Moyen et Supérieur : M. H. Sibilotte). Peut-être a t-on copié au tableau noir la Morale du Jour que l'on peut facilement changer.

Fig.3. La Morale du Jour (Photo Internet).
De son estrade, M. Sibilotte voit nos deux lascars qui dévalent la Rue des Écoles et rentrent par la grande et très haute porte du préau – supprimée depuis, pour éloigner l'entrée de l'école du bar de la salle des fêtes, en vertu d'une loi ou directive de l'État.
Les voici dans le préau, puis dans le hall qui dessert le couloir-vestiaire et ses trois classes.

Fig.4. Préau et hall d'entrée de l'école, 2004 (Photo D. Masson).
M. Sibilotte est déjà là, imposant, et armé d'une badine.
Sans écouter les explications de Gérard (10 ans), il l’attrape et lui administre quelques coups de badine. Gérard, assez extraverti dirait-on de nos jours, crie, pleure, hurle même.
Porte du couloir ouverte, il y en a pour les 180 oreilles (90 x 2) des élèves.
Il faut bien arrêter... et ensuite expliquer à M. Vasseur et à Mlle Békaert de quoi il s'agit...
M. Sibilotte était intérieurement ravi des hurlements de Gérard, un peu exagérés tout de même à son avis.
Gérard, content de s'en être tiré à bon compte, put passer pour une sorte de héros à la récréation suivante...
Quant à moi, Claude, il m'a fallu quelques dizaines d'années pour comprendre toute cette affaire... et m'en rappeler 79 ans après...

Fig.5. M. Sibilotte et sa classe, vers 1931-32 (Coll. C. Saunier).
Identité des personnes, de gauche à droite :
- en haut : Louis Georges, Pierre (?) Drapier, Émilien Lemaire (?), Raymond Bulan, (X), Henri Labarthe, Clotaire Monard,
- au milieu : Paul Dubois, (X), Romain Laheyne, (?) Dumont, Pierre Delaplace, Gabin Pernois, Hubert Lourme,
- en bas : Jean Blondelle, Jean-Marie Sellier, Georges Helluin, Onésime Delaplace, M. Sibilotte, Robert Alliot, Georget Pernois, (?) Charbonnier, (X)
Conclusion :
La leçon a sûrement porté ses fruits. M. Sibilotte n'a pas frappé bien fort, ayant eu la chance de tomber sur Gérard qui criait avant les coups... une leçon express et réussie pour 90 élèves, c'est du bon travail !

Fig.6a. En 1923. |

Fig.6b. Vers 1931-32.
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À sa façon (école, théâtre...), M. Sibilotte a su apporter une importante contribution à la reconstitution de la société villageoise après le traumatisme de la Grande Guerre.
Pierre Delaplace : M. Henri Vasseur
Un instituteur à l'ancienne
Jean-Marie Moiret, habitant du Ronssoy, a pu recueillir auprès de Pierre Delaplace un certain nombre de souvenirs concernant notre village et nous le remercions d'avoir la bonne idée de nous les faire partager. Pierre Delaplace est décédé le 5 juillet 2011 à Lempire où il habitait, mais il avait été écolier à Épehy, sous la férule de Henri Vasseur.
"On recevait aussi des coups de stick, se rappelle t-il, on a été dressés".
"Il (M. Vasseur) était sourd et il fallait réciter nos leçons un par un, mais par écrit... Et il ne passait sur rien".
"On devait inscrire sur papier les récitations, il y en avait une belle : l'arrivée du printemps après les récoltes. Je ne l'ai plus retrouvée et je ne m'en rappelle plus", regrette Pierre.
"Monsieur Vasseur était aussi cultivateur, ses enfants, qu'il avait en classe, parfois recevaient une raclée quant ils travaillaient mal : pas de privilèges... et en plus ils devaient travailler à la ferme".
"A ce moment là les instituteurs n'étaient pas à une heure près, en plus pour nous faire travailler !".
(Souvenirs recueillis les 21 avril 2010 et 5 juin 2011, dernière visite1)
Et voici que (miracle !) la fille de Pierre, Francine Delaplace, a retrouvé la fameuse récitation qui enchantait son père, l'a envoyée à J.M. Moiret qui nous l'a retransmise le 11 mai 2012.
Il s'agit d'une poésie de Victor Hugo que nous reproduisons ci-dessous, telle qu'elle nous a été remise. Un grand merci à elle ! Les lecteurs pourront ainsi apprécier combien M. Vasseur, malgré sa sévérité et sa surdité, savait aussi faire partager à ses élèves la beauté des textes qu'il aimait.

Fig.7. La récitation de Pierre Delaplace (envoi de Francine Delaplace).
Note
1 Nous invitons le lecteur à consulter l'Instantané n°35, "La batteuse Delaplace", pour découvrir d'autres souvenirs de Pierre Delaplace recueillis par Jean-Marie Moiret.