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Le 23/12/2022 à 09h55

À propos de... - Le pays d'où je viens

À propos du livre : "Le pays d'où je viens"


Connaissez-vous Didier Cornaille ?

Je dois avouer que j'ignorais son existence jusqu'à Noël dernier, quand on m'a offert son dernier roman : "Le pays d'où je viens", le pays en question étant le nôtre, le nord de la France.
Il est pourtant l'auteur d'une bonne vingtaine de romans, sans compter d'autres écrits (récits, essais, carnets de voyage...). Ce nouveau livre (publié en 2011) est le premier qu'il consacre, non plus à son pays d'adoption, le Morvan, mais à sa région d'origine, le Cambrésis, car il est né au village de Clary (transformé en "Blaquery" dans le texte), près de Caudry, en 1942. Pour ce roman comme pour tous les autres, ses personnages sont des hommes et des femmes du monde rural, enracinés dans l'histoire de leur village, devenus en quelque sorte parties prenantes d'un paysage élaboré au long des siècles par leurs ancêtres.

Voilà d'ailleurs un nom de famille connu chez nous, fréquent dans les départements du Nord et de l'Aisne, et qui rappellera aux anciennes écolières le souvenir de celle qui fut directrice de l'École des Filles dans les années 19401.         

Je ne vous raconterai pas l'intrigue qui tient le lecteur en haleine tout au long du livre et me contenterai de reproduire ici la 4° page de couverture où l'auteur en donne un rapide aperçu. Mon objectif est avant tout de vous faire découvrir quelques extraits de cet ouvrage, ceux qui, pour nous, évoquent avec le plus de force des réalités du "pays" et auxquelles le talent de l'écrivain sait ajouter et nous faire partager l'émotion des retrouvailles.

 

Fig.1 & 2. Première et quatrième pages de couverture.


Le paysage et son histoire

"Trente ans et peut-être même un peu plus que j'ai quitté le Nord. Plus de trente ans sans m'être retourné. Une page tournée. Celle de mon enfance, certes, mais aussi celle des préjugés. C'est triste le Nord ; c'est gris ; il n'y a rien ; les villages de briques rouges, c'est mortel... Des jugements à l'emporte-pièce, sans raisonnement, imposés et trop facilement acceptés par nécessité, du moins se rassurait-on en faisant mine de le croire" (p.10).

"La beauté d'un lieu, dans ces grandes plaines au charme tellement différent, ne tient évidemment pas à ce que retiennent ordinairement les guides de tourisme. Comment pourraient-ils, en une seule édition, décrire toutes ces lumières, toutes ces brumes, toutes ces ombres qui, au hasard de leurs rencontres et de leurs mariages, ne font jamais deux fois le même paysage ?

On ne décrit pas une de ces immenses plaines que je traversai. Peut-être à la rigueur les peint-on. Certains s'y sont essayés. Herbin, Ancelet y ont assez bien réussi. Mais il sont des exceptions. D'autres les chantent et, si certains y sont assez bien parvenus pour que leurs refrains soient toujours fredonnés, c'est peut-être pour avoir pris le soin de ne jamais ignorer la mesure humaine.

Car ces plaines-là, au-delà de tout le reste, on les vit. Leur beauté est d'abord dans la trace profonde, indélébile que leur laisse et entretient sans cesse l'activité des hommes. L'élégance de la courbe d'une route, qui souligne délicatement le galbe d'un coteau, c'est la peine prise, jadis, par ceux qui l'ont tracée, de suivre, pour les respecter, les limites des propriétés. Le rideau d'une rangée de peupliers qui rompt la monotonie d'une longue échappée de terres nues, ne doit rien au hasard. C'est l'obstacle qu'on dressa face au vent fou venu tout droit de la mer du Nord. À son abri se blottit la hutte. Il n'en est plus trace aujourd'hui bien sûr, mais les peupliers se dressent toujours au milieu de la plaine, et l'opulente "cense" plantée à deux pas de là, au milieu de ses terres, n'a oublié que pour la forme ses frêles origines.

La "cense", c'est la ferme dont le fermier, le "censier", payait l'impôt, le "cens" qui lui donnait rang d'électeur. C'était un temps où on tirait orgueil du montant de ce que l'on donnait au fisc. Il en était fier, le "censier", de tout cet argent payé au fermier général. Il était le gage de sa réussite et du droit gagné à exiger du manant qu'il lui portât chapeau bas.

Autres temps heureusement révolus. La force du travail effectué là, génération après génération, depuis les essarteurs jusqu'au conducteur de l'engin le plus moderne et le plus puissant, n'en reste pas moins et restera toujours inscrite dans le paysage.

La beauté, ici, n'a que faire du viseur de l'appareil photographique du touriste qui ignore les nuances. Elle est dans l’œil satisfait de l'homme qui consent à se distraire quelques instants de sa tâche pour considérer la marque laissée par son travail dans le paysage. Elle ne dure que tant qu'il œuvre à améliorer encore et toujours, fils après père depuis l'origine des temps, l'osmose unique des matières, celle du minéral et celle de l'organique, dont naît cette nouvelle perfection esthétique" (pp. 41-42).


La Grande Guerre et ses cimetières

"Une unité qui se défait... Ce fut bien, je crois, l'impression que me fit ce changement qui s'opère lorsqu'on approche, à partir de Vermand, de la zone de l'horreur absolue. Ici, durant tout le temps que dura la Grande Guerre, selon la terminologie officielle, on passait la ligne de front.

Restent, pour qui y prête un minimum d'attention, les espèces de désaccords profonds qui s'établissent parfois dans l'harmonie du paysage, au flanc d'un coteau, au long d'un vallon, à la sortie d'un village. Pourquoi, aux champs lisses tirés au cordeau, succèdent sans transition, ces brèves zones de bosses et de creux, ces boqueteaux ébouriffés, ces langues de ronces jaillissant de quelque détour inattendu de terrain ? Ici, sous l'orage de feu et d'acier qui dura quatre longues années, passait l'épouvantable cheminement des tranchées, depuis les plages de la mer du Nord jusqu'aux confins de la Suisse. Ici, encore aujourd'hui, chaque automne, au pied des poteaux télégraphiques, s'empilent soigneusement les obus que remontent les socs des charrues.

 

Et puis tout à coup, la rigueur géométrique d'un cimetière militaire1. Ils sont légion, ces carrés plus ou moins grands, mais tous irréprochablement tenus, aux haies taillées de frais, aux pelouses n'osant pas risquer, au ras des pierres tombales, la moindre herbe folle. Le monde entier y repose. Il n'est pas de continent ni de religion qui n'y ait sa place. Et les vivants aujourd'hui encore défilent à petits pas dans ces allées sous lesquelles gisent tant de jeunesses, avec à la gorge le nœud de l'émotion et de la mauvaise conscience.

Que leur regard vive, lorsqu'ils le laissent glisser, l'air grave, sur tous ces noms inscrits dans la pierre, n'est pas ce qu'ils se reprochent. Ils savent bien l'incapacité dans laquelle leur vie de confort et de facilité les met d'endurer tout ce que ceux-là, qui dorment sous leurs pieds, ont supporté. Tout, même l'espoir, leur avait été retiré. Les visiteurs s'en fustigent sans comprendre encore qu'à garder au fond d'eux l'interrogation horrifiée de ce qui s'est passé là, ils ont gagné l'autre force, plus considérable encore, de savoir et de pouvoir refuser qu'on leur vole tout, y compris l'espoir" (pp. 44-45).

Note
1 Voir en particulier, dans les "Instantanés", le n°44 : Le terrain de sports.


Date de création : 05/06/2012 @ 11h19
Dernière modification : 05/06/2012 @ 11h19
Catégorie : À propos de...
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