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Le 23/12/2022 à 09h55

Le village - T comme Tissage

 

T comme Tissage : Le tissage Raoul Trocmé

 

Avec la reconstruction d'Épehy, au début des années 1920, deux tissages vont désormais animer la vie économique du village. L'un, le tissage Gernez et Cie, a pris la succession du Tissage Leriche, à peu près au même emplacement vers le milieu de la Grande Rue, tandis que l'autre, le tissage Raoul Trocmé, est un établissement entièrement nouveau (Fig. 1).
Dans sa Notice historique (1924, p.18), Gabriel Trocmé en signale ainsi la naissance : "Dans le même temps, un enfant du pays, M. Raoul Trocmé, fit construire, près de la station du chemin de fer du Nord, un tissage mécanique et un groupe d'habitations ; cette nouvelle annexe d'Épehy reçut, de celui même qui l'avait créée, le nom de "Montplaisir" et procure un travail régulier à un nombreux personnel ouvrier"1.

D'après le site internet Mérimée (inventaire du patrimoine industriel), l'usine fut construite, comme une grande partie du village, par des ouvriers italiens et quelques maçons du pays, cela vers 1925, et il semble bien que ce fut là leur dernier chantier, mais on ignore qui en fut le maître d'œuvre.

Fig. 1. Le Tissage Trocmé au premier plan. Au fond, le Tissage Gernez.
Fig. 1. Le Tissage Trocmé au premier plan.
Au fond, le Tissage Gernez.
(Photo Ministère de la Culture - Mérimée, 1988).

Les parents de Raoul Trocmé, Albert Trocmé et Cécile Pérard2, habitaient sûrement au même endroit en 1917 qu'en 1925, c'est-à-dire à l'actuel n° 14 de la Grande Rue (Fig. 2) et travaillaient probablement dans le textile, tissant à domicile pour le compte d'employeurs résidant à Saint-Quentin ou à Cambrai, comme bien d'autres habitants du village (Fig. 3a et 3b).
Ces tisserands disparurent peu à peu, face à la concurrence de l'industrie textile ; je me souviens pourtant avoir rendu visite avec mon père à l'un d'eux, peut-être le dernier, dont j'ai oublié le nom, qui tissait encore juste après la Deuxième Guerre mondiale, et habitait au Riez sur la route de Sainte-Émilie.

Fig. 2. La maison d'Albert Trocmé après destruction du village...
Fig. 2. La maison d'Albert Trocmé après destruction du village...
(Carte postale avec cachet de 1920, coll. C. Saunier)

Fig. 3a et 3b. Tisserands à domicile comme il en existait La photo 3a, digne d'un écomusée, semble très "composée"
Fig. 3a et 3b. Tisserands à domicile comme il en existait beaucoup
à Épehy avant la Première Guerre mondiale.

La photo 3a, digne d'un écomusée, semble très "composée" (Coll. C. Saunier). La photo 3b est tirée du journal "La Voix du Nord" du samedi 13 mai 1989. Ce M. Gernez d'Avesnes-lès-Aubert tissait des torchons de lin à bordure rouge sur un vieux métier en démonstration dans les année 1980 (Coll. C. Saunier).

On sait qu'après la guerre le jeune Raoul, né en 1893, travailla en 1919 dans une firme textile importante, chez Marcel Boussac dont les activités étaient alors en plein essor. En septembre 1917, il s'était marié dans la plus stricte intimité avec Léa Ménil, née en 1890, le frère de celle-ci, Quentin, étant témoin.
Les parents de Léa Ménil tenaient l'Hôtel de la Gare, jusqu'à sa destruction en 1917 (voir l'article "H comme Hôtels avant 1917", photo Fig. 17). À la reconstruction, ils habitèrent d'abord Rue du Riez, une petite maison près de la carrosserie Despagne, puis, peut-être assez vite, à l'actuel n° 1 de la rue Louis Georges, alors appelée Route d'Honnecourt. Ils eurent deux enfants, Léa et Quentin (1896-1989), et décédèrent dans les années 1930 : lui en 1931 et son épouse en 1937.

C'est donc en 1924-1925 que l'usine Trocmé fut construite, à la périphérie du village faute de terrains disponibles à l'intérieur, une opération que certains contemporains jugeaient d'ailleurs quelque peu aventureuse, si l'on en croit une carte postale de mars 1925 dont l'expéditeur écrivait : "Raoul veut se lancer dans le tissage, je lui souhaite bien du plaisir !"

L'usine
L'inventaire du patrimoine industriel décrit ainsi, en 1988, les éléments constituants de cette usine : "atelier de fabrication, cheminée d'usine, chaufferie, transformateur, remise, logement patronal. Le site industriel est desservi par un embranchement ferroviaire, l'atelier de fabrication est constitué de sheds3 avec piliers de fonte, la cheminée tronconique est intégrée dans la chaufferie. L'ensemble couvre 12 000 m²".

Des photos révèlent cependant que l'usine ne fut pas construite d'emblée telle qu'elle est décrite dans cet inventaire. Le branchement particulier de l'usine sur la voie ferrée ne fut réalisé que quelque temps après la construction. On sait, en effet, que le charbon arrivait à la gare par wagons et était ensuite transporté en tombereau par M. Esperanza.

Car la force motrice qui faisait tourner l'usine était fournie par une, puis deux locomobiles à charbon, la transmission étant assurée par tout un ensemble d'axes, poulies et courroies. L'énergie électrique venait en complément : pendant les moments d'arrêt de l'usine (nuits, dimanches et jours fériés), les locomobiles produisaient de l'électricité stockée dans 110 bacs de 1 volt, d'où un courant disponible de 110 volts.

"La machine à vapeur, source d'énergie motrice de l'usine me rappelle un souvenir de jeunesse, nous écrit Gérard Delauney : une fin de journée, dans l'usine déserte, il y eut entre Claude Ménil et moi un rodéo endiablé sur patins à roulettes et l'un de nous prenant un virage devant la machine toucha le levier d'ouverture du foyer dont la porte bien équilibrée bascula en douceur en position ouverte, ce qui entraîna une extinction du feu et une impossibilité de démarrer l'usine le lendemain matin..."

Fig. 4. La seconde locomobile qui, apparemment vient d'être livrée (Coll. Huguette Hourmagne).
Fig. 4. La seconde locomobile qui, apparemment vient d'être livrée (Coll. Huguette Hourmagne née Ménil).

La mise en route de l'usine fut donc progressive et connut sans doute des moments difficiles, son directeur devant modérer certaines dépenses. Ainsi les premiers circuits électriques, posés par les électriciens Louis et Marcel Levant, durent être remplacés par d'autres 14 ans plus tard, travail qui fut réalisé par Raymond Saunier, très bon technicien.

De même, deux photos prises depuis l'autre côté de la voie ferrée montrent un changement de cheminée et l'ajout du transformateur (Fig. 5 et 6). La taille des arbres montre bien que la photo 6 est postérieure à la 5, sans que l'on puisse donner une date.

Fig. 5. Premier état de l'usine ? (Carte postale, coll. C. Saunier).
Fig. 5. Premier état de l'usine ?
(Carte postale, coll. C. Saunier).
Fig. 6. Premières améliorations ? (Coll. C. Saunier).
Fig. 6. Premières améliorations ? (Coll. C. Saunier).

Par ailleurs, le même site internet révèle que l'usine fut "agrandie en 1951, dans le prolongement des ateliers existants, par de nouveaux sheds", sans en préciser le nombre.

Fig. 7. Travaux à l'usine Trocmé (Coll. H. Hourmagne).
Fig. 7. Travaux à l'usine Trocmé (Coll. Huguette Hourmagne née Ménil).

À considérer de nouveau la taille des arbres de la photo n°7, les travaux en cours n'étaient pas encore ceux de cet agrandissement ; il s'agirait plutôt de l'achèvement de la toiture du dernier shed et de la pose de fils électriques. Observer à droite les rails sur le sol, peut-être prélude de l'embranchement ferroviaire ?

Le site internet nous apprend qu'une partie de l'usine fut incendiée et détruite en 1969, le sinistre ayant apparemment concerné les nouveaux sheds ajoutés en 1951.

Fig. 8. Magasin de l'usine et expédition en 1925 (Coll. H. Hourmagne).
Fig. 8. Magasin de l'usine et expédition en 1925 (Coll. Huguette Hourmagne née Ménil).

Que fabriquait cette usine, que l'on avait pris l'habitude de considérer comme un "tissage" (de même que celle de Gernez), sans plus de précisions ?

À vrai dire, les produits fabriqués ont varié au cours du temps, car il fallait bien s'adapter à l'évolution des demandes du marché. Le premier essor de l'usine semble avoir coïncidé avec la fabrication de tissus lourds pour transporteurs destinés aux mines de charbon, et de tissus pour les pneus Englebert et Bergougnan, en coton à l'époque, puis synthétiques ("tissus lourds pour caoutchoutage et câbles pneumatiques" nous dit le site internet déjà mentionné), les commanditaires venant chercher ces tissus en camion (Fig. 8). Par la suite, l'occupation fut l'occasion de travailler les fibres de genêt.

"Une activité importante des Ets. Trocmé, nous précise Gérard Delaunay, était le retordage, l'étape qui suit naturellement la filature, pour constituer des fils que la demande exigeait de plus en plus gros. Les machines présentant de nombreuses bobines sur les photos d'usine (Fig. 10 à 12) doivent participer à cette activité. Il y eut dans le village avec ces produits au moment des "restrictions" de la guerre beaucoup de tricotage de sous-vêtements et de maillots de bain non garanties!
Un débouché du tissage des grosses toiles industrielles était aussi les filtres-presses des sucreries ; ces toiles de filtre étaient réformées au bout d'un certain temps d'usage et circulaient dans le pays sous le nom de "toiles à bernate"; on en faisait des sacoches à vélo, des musettes ou des cartables... j'en fus équipé !
"

Après l'incendie, et toujours selon le même site internet, "transformée en fabrique de jouets, puis à nouveau en tissage, l'usine ne sert de magasin que depuis 1979". Aujourd'hui le bâtiment abrite la casse automobile de M. Censier fils.

Depuis l'origine, l'usine était, en fait, associée au Tissage Vallart du Ronssoy, également reconstruit vers 1925 et toujours en activité, dont la dénomination était d'ailleurs "Filature Trocmé et Vallart". Ce travail en binôme supposait des liaisons fréquentes entre les deux établissements et les Épéhiens ont bien connu le "teuf-teuf" du véhicule qui les assurait, avec son moteur à 1 cylindre, ensuite remplacé par le "pan-pan" d'un autre véhicule, cette fois à 2 cylindres...

Georges Vallart, prisonnier en Allemagne pendant la Première Guerre mondiale, a souvent fait office d'informateur via la Croix-Rouge, pour renseigner les Épéhiens sous occupation allemande et sans nouvelles des leurs4. Gabriel Trocmé l'en a cent fois remercié chaudement dans ses écrits.

Nous avons de l'intérieur de l'usine Trocmé quelques photos anciennes qui semblent dater des premières années. Les lecteurs compétents pourraient peut-être nous aider à mieux identifier les machines photographiées ; on y distingue bien les systèmes de transmission qui les faisaient fonctionner.

Fig. 9. Réglage des métiers à tisser, 16 avril 1925 (Coll. H. Hourmagne)
Fig. 9. Réglage des métiers à tisser, 16 avril 1925(Coll. Huguette Hourmagne née Ménil).

Fig. 10. Machine bobineuse  (Coll. H. Hourmagne).
Fig. 10. Machine bobineuse ? (Coll. Huguette Hourmagne née Ménil).

Fig. 11. Machine bobineuse  (Coll. H. Hourmagne).
Fig. 11. Machine bobineuse ? (Coll. Huguette Hourmagne née Ménil).

Fig. 12. Machine bobineuse  (Coll. H. Hourmagne).
Fig. 12. Machine bobineuse ? (Coll. Huguette Hourmagne née Ménil).


L'une d'entre elles (Fig. 9), datée très précisément du 16 avril 1925, nous vaut deux beaux portraits de Raoul Trocmé, alors âgé de 32 ans, et de son père apparemment occupés au réglage des machines à tisser.

 

   Fig. 13. Raoul Trocmé en 1925
Fig. 13. Raoul Trocmé en 1925.


Fig. 14. Albert Trocmé en 1925
Fig. 14. Albert Trocmé en 1925.

(Coll. Huguette Hourmagne née Ménil, agrandissements A. Franqueville).

Le personnel de l'usine : cadres et ouvriers
Comme souvent à cette époque, l'usine Raoul Trocmé fut en quelque sorte une affaire familiale, dans la mesure où Quentin Ménil (1906-1989), beau-frère de Raoul, avait été intégré à l'équipe de direction. Il avait, en 1918, quitté Épehy pour Paris où il travaillait dans un grand magasin de tissus, "La Maison Dorée", de même que sa future épouse, Victorine Legros (1906-1993). Mariés en 1928, ils rentrèrent à Épehy en 1935, logèrent d'abord dans la Grande Rue puis reprirent la maison des parents Ménil après leur décès.

Tout en habitant Épehy, Quentin, fort de son expérience parisienne, exerçait les fonctions de contremaître au tissage Vallart du Ronssoy, cela jusqu'au jour fatidique du 17 mai 1940.

Fig. 15. Le personnel de l'usine vers 1925-1930, 48 personnes (Coll. C. Saunier).
Fig. 15. Le personnel de l'usine vers 1925-1930, 48 personnes (Coll. C. Saunier).
Un personnel essentiellement féminin, à l'exception du groupe de droite près de la voiture,
l'homme en chapeau étant apparemment Albert Trocmé.

Jour fatidique, en effet, qui fut celui du départ pour l'exode des familles Trocmé (Raoul, sa mère et son épouse Léa), Ménil et Chavaroc. Retenu par un travail à l'usine du Ronssoy, Quentin partit quelques heures plus tard que les autres, au milieu de la journée, ce qui le fit arriver à Péronne juste au moment où les avions allemands bombardaient la ville (voir à ce sujet les souvenirs de Gérard Delauney dans l'article "R comme Rail"). Il y eut des morts et Quentin fut parmi les blessés. N'étant qu'un civil, il n'eut pas droit, à la différence des militaires, à la piqure antitétanique, ce qui lui valut d'être amputé d'une jambe quelques jours plus tard, à l'âge de 34 ans.

Leur œuvre accomplie, sur la route du retour vers leur base les bombardiers allemands survolèrent à nouveau Épehy, non sans lâcher quelques rafales de mitrailleuse sur Claude Saunier et son grand frère qui, depuis la rue, les regardaient passer : "Ce fut mon baptême du feu !", se souvient-il.

Les trois familles se réfugièrent à Condé-sur-Noireau (14), puis à Saint-Germain du Crioult où elles retrouvèrent la famille Saunier réfugiée à Beaumont-le-Roger (27).

Au retour de l'exode, Raoul Trocmé embaucha Quentin Ménil dans ses bureaux ; il y travailla jusqu'en 1964.

Quel patron fut Raoul Trocmé ? Sans doute un patron exigeant pour ses employés, veillant à la bonne marche de l'entreprise, mais aussi un homme soucieux du développement de son village et du bien-être de son personnel. On peut dire qu'il fut un "patron social" comme le furent d'autres à la même époque5 ; une attitude que l'on qualifierait volontiers aujourd'hui de "paternaliste", qui n'était certes pas désintéressée puisqu'elle attachait les salariés à l'entreprise, même si leur paye pouvait être modeste, et prévenait ainsi les mouvements sociaux, mais une attitude certainement bien plus humaine et porteuse de valeurs que celle du capitalisme sauvage et cynique actuel.

Sans doute haussait-il facilement la voix, ce qui pouvait impressionner certains salariés, mais pas tous ! Ainsi, à l'issue d'une dispute avec Héluin, le chauffeur des locomobiles, ce dernier quitta sur le champ sa combinaison de travail et... l'usine. Et voilà l'usine en panne : plus de vapeur, plus d'énergie pour faire tourner les machines, le tissage s'arrête. L'électricien Raymond Saunier propose son aide pour sauver la situation et fait tourner les deux loco pendant plusieurs jours... jusqu'à la réconciliation des antagonistes...

Fig. 16. Les ouvrières du tissage devant les bureaux, sans doute vers 1925-1930 (Coll. C. Saunier)
Fig. 16. Les ouvrières du tissage devant les bureaux, sans doute vers 1925-1930 (Coll. C. Saunier).

Les anciens du village se souviennent que, dans les années 1930, Raoul participait chaque année à la distribution des prix et à l'arbre de Noël des enfants, lequel était animé par une troupe théâtrale qu'il soutenait de ses largesses.

Dans la difficile période de l'immédiate après guerre, il fut élu maire du village (1945-1949) et les réalisations qui marquèrent son mandat montrent bien les préoccupations sociales qui étaient les siennes. C'est ainsi qu'il mit en place une cantine scolaire là où se trouvait précédemment l'hôtel Virgile, et fit ouvrir une consultation de nourrissons gérée par Mlle Girard de Roisel.

Un souvenir personnel : il transforma, vers 1946-1947, l'entrée de l'École des Garçons en salle de travaux manuels pour y installer des étaux où nous apprenions à scier et à limer des tiges de fer, sous sa direction attentive. Et un autre souvenir encore, celui, sans doute dans un louable souci de transparence, du compte-rendu de sa gestion municipale lors d'une réunion publique à la Salle des Fêtes, répondant aux questions et aux critiques.

Il semblerait d'ailleurs que les critiques reçues au cours de son mandat l'avaient beaucoup affecté, au point que, par la suite, il n'a jamais voulu en demander le renouvellement.

Fig. 17. Offerte par Raoul Trocmé vers 1950-1952, la moto-pompe sur le perron de la mairie (Coll. Mme Plisnier).
Fig. 17. Offerte par Raoul Trocmé vers 1950-1952, la moto-pompe sur le perron de la mairie (Coll. Mme Plisnier).

On reconnaît, de gauche à droite :
- en bas : Sylvain Marquand, Jules Marquand, Paul Dubois, et à droite René Lempereur, Marcel Savary,
- au dessus : Charles Blondel, Émilien Lemaire, Paul Gamblon (le chef), Léa Trocmé (la marraine), Jules Objois, Henri Labarthe, René Espérance.

Sans négliger les animations festives dans la commune (défilés de chars fleuris, don des casquettes pour les musiciens - voir la Fig. 10 de l'article "F comme Fanfare"), il eut également le souci de la sécurité et de la santé des habitants. Ainsi fit-il don à la commune d'une pompe à incendie mobile et moderne dont, tout naturellement, Léa Trocmé fut la marraine (Fig.17).

Fig. 18. La pharmacie (Coll. C. Saunier).
Fig. 18. La pharmacie (Coll. C. Saunier).
En blouse blanche, le préparateur René Prévôt.

Une autre réalisation qui doit beaucoup à Raoul Trocmé fut l'ouverture d'une pharmacie à Épehy à la place de l'ancien Café de la Mairie (Fig.18) avec le pharmacien Pauchant et les préparateurs Louis Masson et René Prévôt.

Une autre initiative, tout à fait conforme aux pratiques des entreprises de l'époque, fut la création, dans les années 1950, d'une colonie de vacances à Fort-Mahon appelée "Bikini", qui ne fut d'ailleurs pas réservée aux seuls enfants des salariés du tissage mais accueillait aussi tous ceux du village.

Comme il l'avait fait pour la construction de l'usine, Raoul Trocmé fit appel pour cette réalisation, à des artisans d'Épehy. La photo de la Fig. 19a, apparemment prise dans une ambiance assez ludique ("Les artistes" dit l'écriteau), en montre la première étape.

Fig. 19. Construction de la colonie de vacances de Fort-Mahon (Coll. Robert Bulan).
Fig. 19a. Construction de la colonie de vacances de Fort-Mahon (Coll. Robert Bulan).
De gauche à droite : Félicien Lefort, Gilbert Lourme, Charles Blondel, Arthur Dotigny et Robert Bulan.

 

Fig. 19 b. Bikini tout neuf.

Fig. 19 b. Bikini tout neuf (Coll. C. Saunier).

 

Une photo (Fig. 20) nous montre une vingtaine d'enfants participant à cette colonie, ainsi que cinq personnes qui constituent sans doute l'encadrement. Là encore, nos lecteurs pourraient probablement nous aider à retrouver quelques noms manquants ?

Fig. 20. La colonie de vacances "Bikini" à Fort-Mahon, vers 1950 (Coll. Maurice Despagne)

Fig. 20. La colonie de vacances "Bikini" à Fort-Mahon, vers 1950 (Coll. Maurice Despagne).

Identification des personnes :
Enfants assis en bas de gauche à droite : fille de Maurice Despagne, Colette Marotte, fille Détrus, (une fille inconnue),
Puis, rang du bas : Émilie Berthe, Maurice Lempereur, (derrière lui : une fille inconnue), Pascale Levant, (deux garçons inconnus), "Jojo" Toque, fils de Dante Cortési,
et rang plus haut : Dinah Osborn, Janette Lempereur, (deux garçons inconnus), Jean-Pierre Berthe, (un garçon inconnu),
Debout de gauche à droite : (une fille inconnue), Rolande Cocrelle, épouse de Maurice Despagne, Marie-Louise Pascoli, Colette Devisme tenant le fanion, Jean Lempereur, fils de "ch'gus", Chantal Ricaux, Léa Trocmé épouse de Raoul, et François Hugo.

 

Pour l'anecdote, "Bikini" avait pour voisine la célèbre actrice Paulette Dubost, née en 1910 et décédée en 2011, qui participa à de nombreux films.

 

Fig. 20 a & b. Paulette Dubost à 30 et 99 ans (Wikipédia).

Reste, pour une présentation complète du personnel de l'usine, une impressionnante photo (Fig. 21) qui rassemble plus de 100 personnes sous le titre "Fête et réunion du personnel du tissage". Elle fut prise en 1952 à l'occasion d'une redistribution des bénéfices de l'entreprise, nouveau témoignage de l'esprit philanthropique de son directeur.

Fig. 21. Le personnel de l'usine en 1952 (Coll. C. Saunier).
Fig. 21. Le personnel de l'usine en 1952 (Coll. C. Saunier).

On y voit, en bas, le personnel de direction, surtout masculin, et derrière, les employés et ouvriers, en grande majorité femmes et jeunes filles. Beaucoup sont d'Épehy, d'autres des villages environnants, principalement du Ronssoy. 

Les trois figures ci-après, agrandissements de cette photo de gauche à droite, identifient 53 personnes d'Épehy (merci aux lecteurs qui pourraient nous aider à compléter cette liste et nous signaler les erreurs éventuelles).

Fig. 21 a. (Coll. C. Saunier, agrandissement A. Franqueville).
Fig. 21 a. (Coll. C. Saunier, agrandissement A. Franqueville).

Identification des personnes :
1 : Ginette Pontet, épouse Robert, et à sa gauche : Ginette Delaplace. 2 : Jacob. 3 : Cécile Lacroix. 4 : Nicole Levant, et derrière elle : Laetitia Caron, épouse Roland. 5 : Janine Wallon. 6 : Germaine Prévost (Censier). 7 : Georget Pernois.
8 : Paul Dubois. 9 : Louisette Delaine, épouse Lefant. 10 : Edda Pascoli. 11 : Germaine Hirson. 12 : Johanin, ingénieur Le Ronssoy.13 : Germaine Détrus, épouse Prévôt. 14 : Félicienne Béthermin. 15 : Marie-Jeanne Carrier.

Fig. 21 b. (Coll. C. Saunier, agrandissement A. Franqueville).
Fig. 21 b. (Coll. C. Saunier, agrandissement A. Franqueville).

Identification des personnes :
16 : Maurice Despagne. 17 : Blocher, ingénieur (1). 18 : Marie-Louise Pascoli, épouse Cortési. 19 : Paulette Guinet, épouse Capron. 20 : Luce Lempereur. 21 : Vallart, Le Ronssoy. 22 : Éliane Levant. 23 : André Moutoir. 24 : Henri Guyot. 25 : René Pommez. 26 : Marceau Savary. 27 : Jean Blondelle. 28 : Émilia Blondelle. 29 : Charles Blondelle.
30 : Raoul Trocmé. 31 : Rose Gaudefroy. 32 : Louisette Pascoli. 33 : André Lempereur.

(1),Voir dans les Réactions ci-dessous envoyées par ses deux filles : il s'agit plutôt de M. Charles Doublet.

Fig. 21 c. (Coll. C. Saunier, agrandissement A. Franqueville).
Fig. 21 c. (Coll. C. Saunier, agrandissement A. Franqueville).

Identification des personnes :
34 : Philogène. 35 : Simone Bouthemy. 36 : Jules Héluin. 37 : Janette Lepreux (rue du Riez). 38 : Germaine Desjardin. 39 : Blanche Merlin, née Lecat. 40 : Berthe Mafille. 41 : Lucienne Hugo. 42 : Ginette Lepreux, épouse Langlet. 43 : Henriette Lempereur, épouse Duchatel. 44 Janette George, épouse Lepreux. 45 : Jean Lempereur.
46 : Georges Colle. 47 : Jeanine Ledez, épouse Guyot. 48 Albert Guyot. 49 : Félicienne Lempereur, épouse Monard.
50 : Fille de Félicienne. 51 : Pierrette Ditte, épouse Lenfant. 52 : Jeanine Delval, épouse Roland. 53 : Quentin Ménil.

Terminons cette évocation de l'usine Trocmé par deux photos illustrant la vie familiale de son directeur-fondateur.

Fig. 22. Raoul Trocmé en famille, 1939 (Photo Anita Santi, coll. C. Saunier).
Fig. 22. Raoul Trocmé en famille, 1939 (Photo Anita Santi, coll. C. Saunier).

La première (Fig. 22), a été prise en 1939, probablement à l'occasion d'une fête, en compagnie de son épouse née Léa Ménil et, en bas de gauche à droite, de Denise Pierre, Nicole et Anita Santi, et leur nièce Huguette Ménil, future épouse Hourmagne. Raoul a alors 46 ans.

Et la dernière (Fig. 23), prise dans les années1960. Raoul est décédé en septembre 1971, trois mois après que, de son vivant, son nom ait été donné à la Grande Rue, hommage exceptionnel à un homme qui fut exceptionnel et qui, de la même façon que Gabriel Trocmé, a marqué profondément l'histoire de son village natal.

Fig. 23. Raoul et Léa, retraités (Photo Rosalie Makowka, coll. C. Saunier).
Fig. 23. Raoul et Léa, retraités (Photo Rosalie Makowka, coll. C. Saunier).

Notes :
1 Ces deux familles Trocmé n'ont apparemment aucun lien de parenté. Ce patronyme, surtout fréquent dans l'Aisne et en particulier dans le secteur Hargicourt-Templeux-le-Guérard, est souvent porté par des protestants (site www.roelly.org/~pro_picards).
2 Cécile Pérard était la sœur d'Aminthe, épouse du tailleur Chavaroc (au 27 Grande Rue) évoqué par Gabriel Trocmé dans ses Carnets.
3 Le dictionnaire Larousse définit ainsi le shed (mot anglais) : "Toiture de bâtiment présentant un profil en dents de scie (redans) et comportant des versants vitrés de pente rapide exposés au nord".
4 Georges Vallart avait épousé une demoiselle Leriche, patron du tissage d'Épehy avant 1917.
5 À la manière de Marcel Boussac, peut-être son premier patron, dont on dit qu'il refusa toujours de licencier ses salariés, même au pire moment de la crise de son entreprise.

Remerciements :
Nous tenons à remercier les personnes qui ont contribué à la rédaction de cet article en y apportant documents ou commentaires (Huguette Hourmagne née Ménil, Robert Bulan, Roger et Léone Coquerelle-Franqueville, Gérard Delauney, Janette Lepreux née George), et nous tenons aussi à rendre hommage aux auteurs de photos aujourd'hui décédés (Maurice Despagne, Rosalie Makowka, Mme Plisnier née Caudron).


Date de création : 28/10/2009 @ 17h26
Dernière modification : 14/05/2015 @ 19h26
Catégorie : Le village
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Réactions à cet article

Réaction n°5 

par Doublet le 08/05/2015 @ 15h49

Bonjour

Je suis Simone Doublet fille de Charles Doublet né en 1924,

Je confirme les dire de ma soeur Danièle concernant la photo 27 b, le n° 17
est bien notre père les date et lieu correspondent bien aux éléments que nous avons
Merci pour ce site plein de souvenirs et d'histoire

Réaction n°4 

par Daniele le 20/08/2013 @ 08h38

Bonjour
Sur la figure 21 b la personne ayant été identifiée sous le n°17 est notre papa, nous sommes formelles, il s'agit de Charles DOUBLET née a ROISEL en 1924 papa travaillait au tissage Trocmé et maman au tissage GERNEZ avant d'être la garde barrière de Ste Émilie. je suis moi même née a Epehy en 1954  , nous sommes partis vers 1960 a Chaulnes
Cordialement
Danièle NOIREAULT née DOUBLET

Réaction n°3 

par Lefebvre le 25/02/2012 @ 01h28

Bonjour,

Sur la photo du personnel prise en 1952:la dame au dessus du numéro 47 avec les lunettes ,c'est ma grand mère maternelle Jeanine Guyot  née Ledez ,épouse de Guyot Albert (lui aussi sur la photo,dcd il y a quelques jours le 22/02/2012).

Ma mère étant Guyot(épouse Lefebvre) Nadine née en 1950.La maison familiale étant au 9 rue Sauvé .

Cordialement.

Laurent Lefebvre


Réaction n°2 

par francine_Delauney le 14/11/2011 @ 22h03

Pour corriger une info. à propos de Trocmé-Vallard du Ronsoy. Ce qui est vendu à un Belge et un Hollandais est la partie Fils et tapis  qui n'était plus déjà à la famille. La partie Sacherie est toujours à la famille.

Avec le coton Trocmé,les femmes tricotaient au crochet des rideaux; et,avec du coton en couleur, des petits pulls d'été, par exemple, pendant la guerre bien sûr et l'après-guerre.

Un essai, bref, de patins à roulettes, au milieu des grandes caisses de cannettes, avec Claude - Ménil- et  Alain - Godeliez- m'avait fait désirer une paire de patins...Mais ce n'était pas un jouet pour les filles et je crois que mon frère n'en avait pas eu, alors !!!

C'est tout !


Réaction n°1 

par gedel le 14/11/2009 @ 20h29

Une activité importante des Ets TROCME était la retorderie, l'étape qui suit naturellement la filature, pour constituer des fils à la demande de plus en plus gros. Les machines présentant de nombreuses bobines sur les photos d'usine doivent participer à cette activité. Il y eut dans le village avec ces produits au moment des "restrictions" de la guerre   beaucoup de tricotage de sous-vêtements et de maillots de bain non garantis !

Un débouché du tissage des grosses toiles industrielles était aussi les filtres-presses des sucreries ; ces toiles de filtre étaient réformées au bout d'un certain temps d'usage et circulaient dans le pays sous le nom de "toiles à bernate"; on en faisait des sacoches à vélo, des musettes ou des cartables..j'en fus équipé !

La machine à vapeur, source d'énergie motrice de l'usine me rappelle un souvenir de jeunesse: une fin de journée dans l'usine déserte il y eut entre Claude Ménil et moi un rodeo endiablé sur patins à roulettes et l'un de nous prenant un virage devant la machine toucha le levier d'ouverture du foyer dont la porte bien équilibrée bascula en douceur en position ouverte, ce qui entraîna une extinction du feu et une impossibilité de démarrer l'usine le lendemain matin...

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