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Le 23/12/2022 à 09h55

Le village - E comme École avant 1917

E comme École : L'école à Épehy avant 1917

Le plus ancien document en notre possession qui fasse mention d'une école à Épehy remonte à la période révolutionnaire, exactement au 3 avril 1794, ou 14 Germinal An II comme on disait alors.
Cela ne signifie cependant pas que, sous l'Ancien Régime, c'est-à-dire avant que n'éclate Révolution, notre village n'ait pas eu, comme d'autres, une "petite école" qui aurait donné aux enfants une instruction de base (lire, écrire, compter). Le pouvoir royal encourageait mais ne finançait pas ces "petites écoles". Elles fonctionnaient sous l'autorité de l'Église, en fait de l'évêque et du curé du lieu, les frais étant à la charge des parents. Donc des écoles assez peu démocratiques et où se confondaient probablement instruction générale et éducation religieuse.
Observons pourtant que la paroisse dont dépendait alors Épehy était celle de Villers-Faucon, ce qui donne à penser que, si elle a réellement existé, une telle école aurait fonctionné là plutôt que dans notre village, lequel n'était, au point de vue religieux, qu'une "succursale".

 

L'école révolutionnaire

Avec la délibération du 3 avril 1794 (Fig.1) qui a réuni le Conseil Général, la Municipalité et le Comité de Surveillance, nous sommes en terrain plus sûr. Le maire, Levert (Jean) et ses trois adjoints (qui signent "Off" c'est-à-dire "Officiers municipaux"), J.Y. Damez, Roland et Lobry (Joseph), acceptent que quatre hommes et une femme qui leur en font la demande, ouvrent une école au village pour y exercer les fonctions d'instituteurs. La décision est contresignée par une douzaine d'autres personnes, sans doute membres de l'une ou l'autre des instances citées.

 

Fig. 1. Délibération du 3 avril 1794 (Archives municipales, coll. C. Saunier).

Fig.1. Délibération du 3 avril 1794 (Archives municipales, coll. C. Saunier).

On trouvera ci-dessous, la transcription de ce document pour lequel demeurent quelques incertitudes d'interprétation. L'orthographe et la ponctuation d'origine ont été conservées.

"Sur l'instruction de l'organisation publique.
La convention national àprés avoir entendu (?) son comité dinstruction sur Lorganisation de linstruction publique decrette ce que suit
Section premiere
De Lenseignement en General
article premier
Lenseignement et libre
article II sera fait publiquement
article III Le citoyens et citoyennes qui voudront user de la liberté denseigner seront tenus 1° de declarer a la municipalité de la Commune qu'ils sont dans Lintention douvrir une ecole
en consequence la municipalité, Le conseille General et le comité de Surveillance étant assemblé avons délibéré en presance des trois corps ce dessin parlé est presenté en la Chambre commune. Les citoyens Delevaque domicilie a Guiencourt et les citoyens Hubert Guiôt domicilie dans la municipalité depuy
(d'Épehy ?) et le citoien Jean Louis Doene (?) domicilie et ensuite est presenté aussi Jean franqueville citoyen dommicilié dans cette municipalité et lesquelle (?) citoyens les susdit nommé nous ont declaré dans L'intention douvrire une ecole du premier degret dinstruction et en meme tems se presante devant nous Marie adrienne Roland femme du citoyen quentin Demaret domicilies aussi dans ladite municipalite laquelle nous a declaré vouloir aussi ouvrir une ecole du premier degret dinstruction aprés nous avoir procurée leurs certificats de civisme et ne doutant nullement de leurs patriotisme nous avons declaré que les citoyens de Levaque, guiôt, Doêne et franqueville etaient declaré instituteurs et la citoyenne Marie adrienne Roland institutrice Conformement au decret du 29 Frimaire
fait en maison Commune Séance du 14 Germinal Lan deuxieme de la Republique française une et indivisible et imperissable
J.Y. Damez off Roland off Lobry off Levert maire
"
(suivent une douzaine d'autres signatures peu lisibles, parmi lesquelles se reconnaissent peut-être Despagne, Carÿ (Carier ?), Carlut, Le Clerre, Ricaux...)

Un texte quelque peu déroutant qui appelle quelques explications...
D'abord on constate une curieuse inversion dans le titre : il s'agit bien sûr de "l'organisation de l'instruction", et non de "l'instruction de l'organisation" !
La "municipalité" (parfois appelée aussi "corps municipal") est composée du maire et des trois "officiers" municipaux cosignataires.
Le "Conseil général" n'est pas ici celui du département (contrairement à l'usage actuel), mais le Conseil général de la commune (ou Conseil municipal). Comme les autres instances créées par la Constituante en 1789, il était renouvelé par moitié tous les deux ans.
Les "Comités de Surveillance", qui deviendront les Comités révolutionnaires, furent institués dans chaque commune par une loi du 21 mars 1793. Leurs membres étaient désignés par l'assemblée municipale. Ils avaient le pouvoir, redoutable sous la Terreur, de dresser la liste des suspects et de les faire arrêter, mais ils délivraient aussi les certificats de civisme aux personnes favorables au nouveau régime. Ces documents garantissaient à leurs possesseurs de ne pas être inquiétés par les autorités et de pouvoir circuler librement.
Il nous paraît pour le moins étonnant aujourd'hui que les candidats aux postes d'instituteurs proposant d'ouvrir une école reçoivent l'accord du Conseil municipal sans que celui-ci s'inquiète le moins du monde de leur niveau de connaissances, et moins encore de leurs aptitudes pédagogiques. Ils ne sont jugés par les élus qu'en fonction de leur "civisme" prouvé par leur certificat, et de leur "patriotisme" qui semble connu de tous.
En réalité, l'instituteur (mot qui se généralise sous la Révolution) est alors avant tout celui qui "institue" la République et la nation, et en diffuse les idéaux. Cela ne peut se comprendre que dans le contexte d'une époque où la grande crainte était celle du retour des contre-révolutionnaires émigrés avec l'aide des armées étrangères. En outre, il s'agissait avant tout de mettre fin au monopole de l'Église (d'où la phrase "l'enseignement est libre") et de le remplacer par un enseignement public et laïque. Les compétences professionnelles des candidats paraissaient alors moins importantes. En l'An II, la gratuité et l'obligation scolaires resteront à l'état de projets et ne deviendront effectives qu'à la fin du XIXe siècle avec Jules Ferry, tandis que les premières Écoles Normales départementales formant les instituteurs n'apparaitront qu'au début de ce même siècle.
Qu'advint-il de cette école révolutionnaire à Épehy ? A t-elle réellement vu le jour et réellement fonctionné ? Où et pendant combien de temps ? Nous n'avons, du moins pour le moment, aucun document permettant de répondre à ces questions .

L'école communale avant 1917

On sait qu'à la fin du siècle suivant, un remarquable effort de construction d'écoles primaires fut entrepris dans notre région. Ainsi le "Complément sur l'histoire de l'arrondissement de Péronne" de l'abbé Paul Decagny1 relève qu'entre 1880 et 1887, pas moins de onze écoles primaires furent édifiées dans différentes communes de l'arrondissement et que trois autres l'avaient déjà été entre 1867 et 1879. Ainsi l'auteur écrit-il (p.169) à propos d'Épehy : "En 1876, reconstruction du presbytère et d'une école de garçons au prix de 15 000 francs. En 1886 la commune s'imposa une autre dépense de 10 000 francs pour une école enfantine".

Francine Delauney, qui a consulté aux Archives Départementales les comptes-rendus des réunion du Conseil municipal de l'époque, nous apporte plus de précisions : le projet de construction d'une école de garçons a été approuvé (et non pas réalisé) en septembre 1876 et, en 1886 est signalée l'existence d'une école de garçons, d'une école de filles et d'une école privée de garçons. Par contre la création d'une école enfantine a été refusée en 1887. Il est probable que le bâtiment de la mairie existait déjà alors (construction en 1854, si on lit bien la date du fronton) et, qu'à l'arrière, les écoles lui ont été successivement ajoutées à différentes dates (Fig.2), comme ce fut le cas pour d'autres villages voisins (ainsi Moislains et Villers-Carbonnel en 1879).

Ces deux écoles furent donc alors construites (ou reconstruite pour la première) à l'arrière de la mairie, laquelle, pour autant que les photos permettent le déchiffrement de la date, avait été édifiée en 1854. École, mairie et, on le verra plus loin, logement de l'instituteur, formaient donc un ensemble, comme ce fut le cas pour d'autres villages voisins (ainsi pour les écoles de Moislains et Villers-Carbonnel construites en 1879).

Fig. 2. La Mairie-École d'Épehy vers 1905 (coll. C. Saunier).
Fig.2. La Mairie-École d'Épehy vers 1905 (coll. C. Saunier).

Curieusement, il n'est pas question de l'existence d'une école de filles et pourtant une carte postale (Fig.2) montre le bâtiment de la mairie donnant sur la Grande Rue, devant lequel posent des écolières et, en arrière, le bâtiment des écoles.

Cette vague de constructions d'écoles est, bien sûr, en relation avec l'impulsion alors donnée par Jules Ferry, au développement de l'instruction publique dont il fut le ministre de 1879 à 1883. Jusqu'alors, en effet, les communes de plus de 500 habitants avaient été seulement obligées à financer d'abord une école de garçons (loi Guizot de 1833), puis une école de filles (loi de 1867), mais les lois Ferry de 1881 et 1882 rendirent cette fois l'enseignement primaire public, gratuit, laïc et obligatoire pour tous les enfants de 6 à 13 ans.
Nous avons la chance de disposer d'un Annuaire de 1900 environ donnant la composition de l'Administration municipale des communes du canton de Roisel ("Curés, Instituteurs du Canton" précise le sous-titre). On y apprend (Fig.3) qu'Épehy compte alors 1741 habitants, dont 527 électeurs. Le document présente d'abord les membres du Conseil municipal, le maire étant Arsène Magniez (de 1888 à 1908). Le curé est l'abbé Alphonse Choquet (il le fut de 1894 à 1919), secondé par le vicaire Edmond Bisset (de 1897 à 1900, ce qui montre que cet Annuaire n'est pas postérieur à 1900). Les prénoms ne sont jamais mentionnés, mais nous les connaissons parfois grâce à d'autres documents.

Fig. 3. Extrait de l'Annuaire de l'Administration Municipale du Canton de Roisel (Archives C. Saunier
Fig.3. Extrait de l'Annuaire de l'Administration Municipale du Canton de Roisel
(Archives C. Saunier)

Les instituteurs se nomment Matte et Fournet. Une école privée est tenue par les Sœurs Terneaux et Vasseur, institutrices, et par le frère Biron2, nous y reviendrons plus loin .
Les premières photos de l'école communale que nous possédions sont de 1913 environ, pour l'une la classe des garçons avec leur instituteur, M. Tholomé (Fig.4), pour les autres les classes des filles dont une seule institutrice est identifiée.

Fig. 4. La classe des garçons de M. Tholomé vers 1913 (coll. C. Saunier).
Fig.4. La classe des garçons de M. Tholomé vers 1913 (coll. C. Saunier).

Identification des personnes, du haut en bas et de gauche à droite :
1° rang : Gustave Loy, Joseph Copin, Louis Lefevre, Lucien Stenain, André Trouvé, Jules Gras,
2° rang : Arthur Prévost, Jules Marquant, Arthur Dotigny, M. Tholomé, Origène Granger, Maurice Roland, Eugène Pelletier,
3° rang : Marcel Despagne, Robert Duhanois, Joseph Censier, Jean Osset, Georges Marquant, Ludovic Cocrelle, Maurice Picard, Paul Sergent, André Héluin,
4° rang (assis) : Maurice Franqueville, Paul Héluin, Paul Vasseur, Sylvain Marquant, Robert Franqueville, Raphaël Plaquet, Roger Desmaret, Martin Poven, Antonio Christy.

Avant M. Tholomé, arrivé vers 1911-1913, l'instituteur en titre était donc M. Matte, comme le mentionne l'Annuaire cité, et l'ouvrage de J.Decloquement et D.Vasseur3 rapporte une étonnante anecdote le concernant. "En 1911, les habitants d'Épehy n'en crurent pas leurs yeux : les élèves de M. Matte manifestaient dans la rue, drapeau rouge en tête. Ils n'étaient pas satisfaits de leur maître, estimant qu'il ne les faisait pas suffisamment travailler. Résultat : l'instituteur fut muté et remplacé par M. Tholomé. Celui-ci les surchargea de travail et tira parfois des oreilles quand tout ne tournait pas rond. Deux ans après, en 1913, les écoliers posaient pour la photo en compagnie de leur nouveau maître".
Ancien élève de M. Tholomé, Gustave Loy, a consigné dans son fascicule sur Épehy4 les souvenirs qu'il a gardés de ces années d'école (p.8). "Nous avions une belle école, très accueillante, le mobilier se modernisait pour la "grande classe", les autres classes allaient suivre. Nous avions un corps enseignant digne de tous éloges, ayant à cœur de réaliser une jeunesse valable.
J'ai très peu connu la gestion de Monsieur Matte, j'étais alors dans la "petite classe", mais j'ai vécu la période de Monsieur Tholomé dont je garde un souvenir reconnaissant. Il était très exigeant et il ne faisait plus bon faire le paresseux. Tout à la tâche qu'il s'était fixée, ses colères et sa lourde main nous faisaient rapidement revenir sur notre travail et rentrer dans le rang.
À notre époque, on ne discutait pas ; les directives du maître faisaient force de loi. Il n'y avait pas d'Association de Parents d'Élèves ! Les exigences de l'étude, le programme, la discipline étaient entre les mains du Directeur. On pouvait dire qu'il était "seul maître à bord".
Bien sûr, nous le trouvions trop exigeant, trop sévère, mais aujourd'hui nous sommes heureux de l'avoir eu ; nous lui devons une grande reconnaissance. Il s'est dépensé sans compter pour nous instruire, il peut être fier de son œuvre. Beaucoup de ses anciens élèves lui ont dû une bonne situation
".

Du côté des classes de filles, si les photos sont plus nombreuses, nos informations le sont moins, car peu de ces écolières ont pu être identifiées. Commençons par la photo la plus ancienne, celle de la Fig.5 qui regroupe deux classes avec leurs institutrices, celle de gauche étant apparemment Mlle Faguet. Le chien a aussi eu droit à la photo...

Fig.5. Deux classes de l'école des filles vers 1913 (coll. C. Saunier).
Fig.5. Deux classes de l'école des filles vers 1913 (coll. C. Saunier).

Identification de quelques élèves, de gauche à droite :
- Assises en bas : 2. Irène Furgerot épouse Baudelot, 4. Reine Blanchard, 5. Madeleine Blanchard, sa sœur, filles de l'hôtel Blanchard, 7. Berthe Dufourny épouse Goubet, 8. Zéta Roland épouse Dejeante, 9. Réjane Osset.
- Debout au 2° rang : 5. Andréa Lempereur épouse Vasseur, 6. Renée Lempereur, 7. Gaby Dermy, 8. Marie-Louise Marquand, épouse Lempereur, 11.Luce Dermy, épouse Levant, 12. Julier Rose.

Fig. 6. La classe de Mlle Faguet (coll. C. Saunier).
Fig.6. La classe de Mlle Faguet (coll. C. Saunier).

Fig. 7. Vers 1916-17 (?) : la classe de l'autre institutrice (coll. C. Saunier).
Fig.7. Vers 1916-17 (?) : la classe de l'autre institutrice (coll. C. Saunier).

Ici (Fig.6 et 7) les "petites" ont bien grandi ! Assises au centre, toujours les sœurs Blanchard aux tabliers identiques... Quant aux autres ?
Merci aux lecteurs qui pourraient apporter plus d'informations sur ces photos : dates, identification des élèves et des institutrices... Voir à la fin de cet article, les commentaires
reçus de nos lecteurs concernant cette photo n°7.

photo_de_classe_1913.jpg

Fig 7 bis. Une autre photo devant dater de 1913 envoyée par madame Michelle Joly-Roland.

Voici son message : Cette photo  doit dater de 1913 car mon oncle né en 1907 est le 4ème en partant de la droite en haut : Raymond Roland . il a 7 ou 8 ans sur la photo du moins je crois . Est-ce que d'autres personnes pourraient reconnaître leurs ancêtres ?

L'enseignement

En quoi consistait l'enseignement dispensé dans cette ancienne école ? Deux cahiers d'élève datant des années 1887-1889, nous en donnent un aperçu, et même si l'élève en question ne fréquentait pas exactement l'école d'Épehy, il n'en était pas très loin5. L'un (Fig.8) est le cahier "spécial", selon l'arrêté du 27 juillet 1882, qui doit rester déposé à l'école et être conservé durant toute la scolarité ; un document dont dériva sans doute le "Cahier du Jour" que nous avons connu. "Le premier devoir de chaque mois, dans chaque ordre d'études, sera écrit sur ce cahier par l'élève, en classe et sans secours étranger... [de façon à] apprécier les progrès de l'élève d'année en année", précise le texte de couverture. L'autre cahier (Fig.9), tenu parallèlement au précédent, consigne vraisemblablement les autres devoirs, sans que l'on sache si certains étaient faits à la maison.
On constate que le programme était déjà structuré de façon semblable à ce que nous avons connu et que les principales matières enseignées aujourd'hui étaient déjà en place.
Si l'on admet que la fréquence des devoirs donnés dans chacune de ces matières reflète l'importance qui leur est accordée par le système d'enseignement, on constate de fortes inégalités. Sur les 130 devoirs écrits dans ces deux cahiers, les "Problèmes" arrivent au premier rang (31 devoirs auxquels on peut ajouter 3 autres de "Géométrie"). Vient au deuxième rang la "Dictée" (26) et, assez loin derrière, la "Composition française" (16). "Géographie", "Écriture" et "Grammaire" présentent les mêmes fréquences moyennes (12, 11 et 10, 13 pour cette dernière si l'on y ajoute l'"Analyse grammaticale"). Les matières n'ayant donné lieu qu'à très peu de devoirs sont les suivantes : "Histoire" (5), "Instruction civique" (4), "Dessin" et "Histoire naturelle" (3), "Morale" (2), "Sciences" (1).

Fig. 8
            . Première page du "Cahier Spécial"

 

Fig. 9. Première
                        page du cahier ordinaire  

 

          Fig. 8 . Première page du "Cahier Spécial"                              Fig. 9. Première page du cahier ordinaire

(Archives coll. C. Saunier)

On pourrait en déduire, d'après ce classement, que l'objectif premier de l'enseignement primaire était alors d'apprendre à compter et écrire. Si le dessin tient (déjà !) une place très réduite, on peut s'étonner qu'il en soit de même pour l'histoire et les sciences, l'instruction civique et la morale. Est-il vrai que la Révolution, qui a alors moins d'un siècle, avec son idéal d'inculquer aux élèves, à travers l'histoire, l'instruction civique et la morale, les valeurs de la République, est déjà oubliée ? Mais il est vrai aussi que ces cahiers ne reflètent sans doute qu'une partie de la réalité scolaire et ne contiennent vraisemblablement pas l'ensemble de l'enseignement qui était dispensé aux élèves.
 

L'école privée
On a noté que le village comptait alors deux écoles, l'une publique, l'autre privée catholique. Sur cette dernière, nous n'avons guère d'informations à l'exception de deux photos. L'une (Fig.10a) montre l'entrée (ou la sortie) d'un groupe de jeunes élèves et elle permet, un peu par hasard avec ses affiches d'annonces, de situer avec une forte probabilité cette école vers le milieu du village, presque en face de la rue de la gare, au niveau du n°29 de la rue R. Trocmé.

Fig.10a. L'école catholique, à droite, au centre de la Grande Rue (Coll. C. Saunier).
Fig.10a. L'école catholique, à droite, au centre de la Grande Rue (Coll. C. Saunier).

Fig.10b. À l'entrée de l'école privée catholique  (Coll. C. Saunier, agrandissement A. Franqueville).
Fig.10b. À l'entrée de l'école privée catholique
(Coll. C. Saunier, agrandissement A. Franqueville).

L'agrandissement (Fig.10b) donne à penser qu'au moins les deux dames portant une sorte d'uniforme au corsage blanc, peuvent être des Sœurs enseignant à cette école. Il est très vraisemblable que nous avons là une photo de la Sœur Terneaux et, à côté d'elle, d'une autre religieuse nommée Vasseur qui pourrait être Marie Vasseur, née en 1851, que l'on trouve réfugiée à Berlaimont après 1917, avec les autres Vasseur ? Mais on ne peut savoir qui est qui ! Faut-il penser aussi, d'après cette photo, que l'école privée n'assurait que la classe des petits ? On peut aussi supposer que les Sœurs étaient chargées des petites classes et le Frère Biron (sans doute Frère des Écoles chrétiennes) des élèves plus âgés ?

Une autre photo datée du 1° avril 1907, que nous avons déjà présentée dans un autre article, est celle du Char de l'Agriculture lors de la fameuse Cavalcade (Fig.11). On y constate que cette école était effectivement située juste au carrefour de la rue de la gare, et non pas à proximité de l'église comme on aurait pu le supposer. Il s'agissait en fait d'une école tenue non pas par le clergé de la paroisse, mais par une congrégation enseignante. En fait, les deux écoles du village se seraient donc trouvées l'une en face de l'autre, de chaque côté de l'actuelle Rue des Écoles !

Observons que sur cette photo, et malgré sa mauvaise qualité, les écriteaux sur le mur de l'école privée ont changé, un seul reste. L'école était alors probablement fermée. Rappelons-nous en effet qu'en 1907, les lois anticléricales d'Émile Combes (de 1902, puis de 1904, qui interdisaient l'enseignement aux congrégations), et la loi de Séparation de l'Église et de l'État de 1905, étaient passées par là et que les religieux enseignants avaient dû cesser leur activité ou bien se retirer du pays, ceux d'Épehy étant peut-être partis vers la Belgique comme bien d'autres de la région. Selon une tradition qui nous fut rapportée par Olivier Masson, le Frère Biron serait devenu enseignant aux Facultés Catholiques de Lille entre les deux Guerres mondiales6.

Fig.11. 1° avril 1907 : le Char de l'Agriculture devant l'école privée (Coll. C. Saunier
Fig.11. 1° avril 1907 : le Char de l'Agriculture devant l'école privée (Coll. C. Saunier

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Avec ce départ des Frères enseignants, les classes de l'école publique se sont trouvées surchargées, de sorte qu'en 1907 la commune dut demander l'ouverture d'une deuxième classe de garçons, puis d'une troisième en 1909, de même que pour les filles en 1912.

Il nous reste également la trace d'un autre instituteur de cette école privée, celle d'un Père bénédictin nommé Jean-Baptiste Duez (1756-1812) qui fut enterré dans la grande chapelle du cimetière d'Épehy où, plus tard, furent aussi inhumés les curés Choque et Binet (Fig.12)7. Un nom du Nord assurément, mais nous n'en savons pas davantage sur cet instituteur. Cela démontre cependant l'ancienneté de cette école privée du village déjà en activité sous le règne de Napoléon 1er.

Fig. 12. Plaque mortuaire dans la grande chapelle du cimetière d'Épehy  (Photo M. Delaire, 2010).
Fig.12. Plaque mortuaire dans la grande chapelle du cimetière d'Épehy
(Photo M. Delaire, 2010).

Guerre et destruction

À partir de l'invasion allemande (1914) jusqu'à la destruction du village (1917), le seul instituteur qui exerçât son activité fut Gabriel Vasseur, tandis que M. Tholomé n'était plus être sur place et semble avoir quitté le village dès l'été 1914.

Concernant cette période, voici ce qu'en relate Gustave Loy dans ses Mémoires : "Avec des moyens réduits, on rouvrit les écoles. Filles et garçons furent groupés dans l'établissement des garçons. L'école des filles était occupée par la troupe. Cette école fonctionna quelques mois sous la direction de Gabriel Vasseur, instituteur en Seine Maritime, bloqué à Épehy au cours de ses vacances. Mademoiselle Canchon, directrice des Postes, Monsieur Eugène Pelletier et moi-même prêtions notre modeste concours au bon fonctionnement".

D'après ce texte, ce fonctionnement provisoire de l'école ne semblerait avoir duré que quelques mois. Les "Carnets de Guerre" du maire Gabriel Trocmé donnent assez peu d'indications sur l'école durant l'occupation, mais ils sont notre seule source de renseignements sur cette période, ce qui les rend d'autant plus précieux. Voici ce qu'ils nous en disent7 :


14 novembre 1914 : "À la Mairie, je trouve une nouvelle note de l'Ortskommandant (Commandant de la place)... je dois faire marcher les écoles et dresser la liste des élèves". On peut penser que c'est à la suite de cet ordre que Gabriel Vasseur fut invité à rouvrir l'école fermée depuis l'été.

19 avril 1915 : "La journée se passe en fouilles ; ce matin, l'adjudant Trauch et Wolfer sont venus retourner la maison Tholomé du haut en bas. Ils se sont retirés avec deux bicyclettes cachées dans le grenier, paraît-il". Il est probable que cette maison de M. Tholomé était la maison de fonction du directeur de l'école et qu'elle était attenante à la fois à l'école et à la mairie. D'où l'expression "sont venus", et le maire état bien placé pour les voir venir !

28 janvier 1916 : C'est le pire moment d'une dispute entre Gabriel Trocmé et Gustave Mennecier, l'un des conseillers municipaux. "Ruffet (qui est-ce ?) prétend qu'il gèle dans les classes , que le maire ne s'occupe de rien (les poêles sont garnis et allumés le matin et une provision de bois est entassée pour la journée dans chaque classe ; seulement je donne de la vraisemblance à la thèse en cachant le bois dans les chaises de la classe. Le transport des bureaux de la Kommandantur m'a donné de l'ennui : il (M. Mennecier ?) voulait les installer chez M. Tholomé. Je me suis fâché et ai dit que nous ne pouvions pas vivre sous le même toit...". On déduit de cet épisode que l'école est toujours en fonctionnement au cours de cet hiver 1916, que le commandement allemand tente de s'installer dans la maison du directeur et que celle-ci est bien contigüe à la mairie ("sous le même toit").

8 mai 1916 : "Ils ont dévalisé hier chez M. Tholomé". Cette fois, l'occupant est arrivé à ses fins, à moins que ce ne soient quelques vandales du lieu, et C. Saunier commente : "… Et on pénètre chez Monsieur l'instituteur Tholomé resté en France libre, mais dont le logement était jusqu'à ce jour protégé par la Mairie".

17 août 1916 : "L'instituteur Vasseur , très grossier dans son langage du corps enseignant, m'insulte sous prétexte que je lui ai refusé des subsides. Il en a imprudemment menti...". Ce différend inattendu avec l'instituteur, ne se comprend que si l'on connaît la réponse, envoyée le jour précédent par le maire, à une lettre de G. Vasseur : elle vaut qu'on s'y arrête.

Les griefs de l'instituteur Gabriel Vasseur auxquels le maire répond fort calmement et très courtoisement, comme en témoigne le début de cette lettre reproduit ci-dessous (Fig.13), sont les suivants :
- la commune ne lui verse qu'une "modeste allocation mensuelle", alors qu'elle devrait lui verser la moitié de son traitement. Réponse : il n'existe aucune directive en ce sens et ce serait financièrement impossible, vu l'état du budget communal.
- le maire n'est pas "l'ami des instituteurs et de l'enseignement public". Réponse : c'est là un relent d'un anticléricalisme dépassé, celui d'une époque "où l'illustre Monsieur Matte nous chantait déjà ce refrain". Depuis lors, les relations ont été excellentes entre les instituteurs et la commune. Cette allusion à M. Matte donne à penser que le fameux défilé de ses élèves derrière le drapeau rouge en 1911fut sans doute davantage le fait de l'instituteur que de ses élèves, et que le motif n'en fut probablement pas celui évoqué précédemment...
- enfin, à l'injure de "maire allemand" qui lui est adressée par l'instituteur, le maire répond en lui rappelant qu'il lui a évité d'être envoyé en Allemagne d'où, comme d'autres, il ne serait peut-être pas revenu.
 

Fig. 13. Début de la lettre du maire Gabriel Trocmé à l'instituteur Gabriel Vasseur  (Archives C. Saunier)
Fig.13. Début de la lettre du maire Gabriel Trocmé à l'instituteur Gabriel Vasseur

(Archives C. Saunier)

Cette lettre permet d'éclaircir deux autres points d'histoire locale. D'une part, Gabriel Vasseur, originaire d'Épehy, exerçait normalement son activité d' instituteur en un autre lieu (en Seine Maritime selon G. Loy) et s'est trouvé bloqué à Épehy (chez lui) par les hostilités, en "retraite forcée" ou "villégiature involontaire" comme le lui écrit le maire.
D'autre part, au moment où cette lettre est écrite, Gabriel Vasseur ne semble plus être instituteur à l'école. Le maire, en effet, lui adresse ses remerciements au passé : "… je rends hommage... au dévouement avec lequel vous avez consacré votre temps et vos peines, tant que la chose a été possible, à l'instruction et à l'éducation de nos enfants dans ces temps si difficiles..."
Grâce à lui, l'école communale a donc fonctionné plus que quelques mois sous l'occupation allemande, peut-être même durant deux années scolaires complètes ?

En effet, la bataille de la Somme qui se déchaîne alors et dont Épehy, très proche du front, aura à subir les très lourdes conséquences que G. Trocmé détaille dans ses Carnets, y rendait désormais impossible le fonctionnement normal d'une école. Il n'était même devenu très dangereux de traverser la Grande Rue, tant les convois militaires étaient nombreux, écrit-il. Et quelques mois plus tard le village était d'ailleurs vidé de l'ensemble de sa population et détruit de fond en comble.

Les deux photos suivantes (Fig.14 et 15) montrent ce que, au retour de l'évacuation, les Épéhiens ont trouvé là où étaient leur école et leur mairie.

Fig. 14. La mairie en ruines, photo 1920  (Coll. C. Saunier).
Fig.14. La mairie en ruines, photo 1920 (Coll. C. Saunier).

Fig. 15. L'école communale en ruines, photo 1920  (Coll. C. Saunier).
Fig.15. L'école communale en ruines, photo 1920 (Coll. C. Saunier).

De façon quelque peu imprudente, des enfants jouent dans les ruines, espoirs du village qui saura renaître de ses cendres. L'enfant en blanc est Olivier Masson et l'un des deux autres Paul Collet.

Épilogue

Et puisque nous en sommes aux symboles, terminons par ces quelques diapos tirées d'un PPT intitulé "L'école d'autrefois" créé par Jean-Claude Soret, que Michel Saunier nous a aimablement communiqué : elles nous rappellent quelques-uns des points forts autour desquels s'organisait la vie de l'écolier... à l'école d'autrefois, entre autres à celle d'Épehy (Fig.16).

ecole_1917_16b.jpg
Fig.16. Le monde de l'école d'autrefois : jeux de récréation, le bureau du maître
l'ardoise et ses accessoires, récompense et punition
 

Les jeux, dont la marelle, le bureau du maître où il ne faisait pas toujours bon être appelé, avec la pensée du jour écrite au tableau, les bons points et/ou le bonnet d'âne (au choix), l'ardoise (en vrai schiste, ne pas laisser tomber !) qu'il fallait lever bien haut pour montrer au maître la réponse aux questions posées...

 Notes :

1 D'après les notes prises par Claude Saunier.
2 Il nous semble curieux, pour notre époque, que le clergé du village comme les enseignants de cette école privée soient présentés dans cet Annuaire comme faisant partie de l'Administration municipale ! Mais il est vrai qu'en vertu du régime concordataire de 1801, le clergé était alors rémunéré par le gouvernement.
3 Decloquement-Vasseur : Roisel et son canton, t.2, p.65, éd. Sutton.
4 "Gustave Loy raconte Épehy", 23 p. Vers 1980.
5 Cet élève, Fernand Vivien, né le 29 mars 1876, fréquentait le Cours Moyen dans une école de la Somme, peut-être celle de Bavelincourt (canton de Villers-Bocage au nord d'Amiens), village qu'il mentionne dans une Composition française. Nous nous proposons d'analyser de plus près dans un autre texte ces cahiers qui font partie d'archives recueillies par Claude Saunier.
6 On ne sait s'il fut aussi le J. Biron, co-auteur d'un livret sur "L'enseignement rationnel de la lecture" publié vers 1930.
7 Nous remercions M. Delaire qui nous a aimablement apporté cette information et réalisé la photo Fig.12.
8 Extraits des numéros 41, 42, 46, 47 et 48 de la revue "Cambrésis, Terre d'Histoire" dans laquelle ces Carnets ont été publiés par Claude Saunier.


Date de création : 10/04/2010 @ 22h16
Dernière modification : 24/05/2020 @ 08h36
Catégorie : Le village
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Réactions à cet article

Réaction n°2 

par Micheline94 le 02/05/2014 @ 01h38

Bonjour, 
Concernant la Fig. 7 je m'interroge : rangée du bas, les deux petites filles côte à côte, vêtues semblablement ne seraient t elles pas les petites jumelles Sarah et Andréa LEMPEREUR, nées en 1907 (mes tantes) devenues respectivement épouses FÉLIX et Ernest VASSEUR  ?

Réaction n°1 

par Vasseur le 06/04/2014 @ 19h57

 Bonjour,   Je pense avoir reconnu une fille qui ressemble à la tante de mon père suivant la photo de famille en ma possession datant de 1917 ou 1918. Il s'agit de Vasseur Juliette-Berthe née en 1905 à Epehy fille de Vasseur Jules et Héluin Berthe (mes bisaïeuls). Dans la photo de la fig. 7, voyez la première demoiselle au deuxième rang en partant du haut et à droite. Les traits, la coiffure et la posture sont identiques ! Elle et sa famille ont été évacués vers Berlaimont en février 1917. Cordialement. PS: avez-vous des photos de l'école des garçons de cette époque ? Pour y retrouver mon grand-père (8 ans en 1917) !

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